Entre fiction et réalité

Entre fiction et réalité

Jurys de sélections pour l’entrée au DEUST Métiers de la Forme à Lyon, nous avons fait passer les entretiens oraux l’an passé. Constat frappant : 75 % des jeunes souhaitent, à la sortie du diplôme, se consacrer uniquement au Personal Training, de préférence en ligne ou à distance.

La plupart d’entre eux, après leur avoir demandé, ne jugent pas nécessaire ou utile de travailler en club de fitness ou encore de se former à la sortie du diplôme. On mesure alors l’ampleur des dégâts causés par la folie des réseaux sociaux. Les Instagrameurs, les influenceurs, les youtubeurs et les imposteurs qui s’improvisent coachs à tout-va, vous vendent du rêve pour ne pas dire du flan. C’est leur spécialité et il faut dire qu’ils excellent en la matière. Toutefois, ils vous polluent aussi les neurones : ils ont réussi à vous convaincre que vous pourrez gagner votre vie en faisant des programmes depuis chez vous et en les vendant à des clients, comme ça, en un claquement de doigts. Erreur…

Dix ans en arrière, la plupart des « coachs fitness » ne juraient que par les cours collectifs. Les jeunes diplômés se donnaient corps et âme pour exceller, voire performer en cours d’Aérobic ou en cours de Step. Après le diplôme, le Saint-Graal était de trouver une salle de sport dans laquelle travailler, de préférence une grande salle, avec un bon niveau de cours Freestyle et une grande diversité de cours collectifs. Une polyvalence recherchée par des coachs curieux et en quête de dépassement de soi. Un sentiment d’invincibilité en début de carrière nous poussait même à l’extrême parfois : enchaîner 5 cours d’affilée, dont un cardio-boxe, un body-sculpt, un cycling, un step et un aérobic arrivait souvent. Quelques années à ce rythme fou et quelques blessures plus tard, c’est un peu moins fougueux et un peu plus raisonné que nous nous spécialisions volontiers dans des disciplines plus douces comme le Pilates, le gymball, le yoga, etc. Quelques-uns d’entre nous, mais pas beaucoup, s’orientaient aussi vers le Personal Training, moins en vogue à l’époque. Il faut dire qu’après des années de bons et loyaux services, nous avions besoin, mais aussi mérité, de lever un peu le pied. Et puis pour la folie des cours à enchaîner, on comptait sur les jeunes profs fraîchement arrivés.

Aujourd’hui, la tendance s’est inversée. Ainsi, on assiste depuis quelques années à une vague de coachs sportifs relativement désintéressés par les cours collectifs ou le travail en salle de sport. Parlons clairement, certains sont fatigués d’avance à l’idée de donner un simple cours de Cuisses-Abdos-Fessiers. D’autres concluent un peu vite que le Stretching ce n’est pas leur truc parce que « de toute façon je ne suis pas souple ». D’autres encore se demandent à quoi servent le step et l’aérobic pour l’obtention d’un « six-pack » en moins de six semaines. Et puis quant à ceux qui s’intéressent au « Core Training » ou qui se préoccupent de faire des abdominaux hypopressifs, on les cherche encore. Chers collègues, s’il y a un seul terme de ce paragraphe qui vous paraît flou, googlez tout de suite deux choses : le mot que vous n’avez pas compris ET une formation en rapport avec cette notion (où au moins un livre). Bref, si vous lisez ce magazine, c’est que vous avez envie d’y arriver.

Le Personal Training a le vent en poupe, et tant mieux. Mais restons pragmatiques. Si vous voulez exceller dans l’art du Personal Training, il ne faudra pas vous contenter de compter les répétitions ou de chronométrer le temps de récupération de votre client. Ça, c’est tout sauf ludique et c’est même plutôt pénible. De même, si vous êtes persuadé de pouvoir appliquer le programme du Super-Pletnev à vos futurs prospects, ou si vous préparez un e-book « Super Booty of the Summer » destiné uniquement aux femmes, alors là vous vous plantez complètement. Pourquoi vous vous plantez ?

Parce que vous avez la tête dans le guidon. Vous pensez bien faire en appliquant scrupuleusement la théorie apprise pendant votre cursus, mais cela ne suffira pas. Vous êtes plein d’énergie, vous avez mis du cœur à créer des programmes super élaborés, mais vous oubliez que la plupart des clients qui feront peut-être appel à vous un jour (disons 70 %) ne sont pas très sportifs, voire pas du tout. Ils comptent sur vous pour se remettre au sport (comprendre débutant ++) et pour retrouver de l’énergie. Sans parler de la réalité du terrain… Comment allez-vous faire lorsque vous vous retrouverez face à Martine, 62 ans, sciatique chronique et hernie L5S1 ou encore face à Roger, 45 ans, 35 kg à perdre, diabétique et ménisque fissuré plus arthrose au genou ?

On va se parler franchement entre coachs… quand on débute, on a envie d’encadrer des clients sportifs, jeunes et dynamiques, sans problème de santé. L’autoroute du kif, la liberté d’action pendant les séances, le fun, la totale. Sauf que le Père Noël n’existe pas. Ces clients-là, vous en aurez quelques-uns seulement en toute une carrière. 70 % de vos clients seront Martine et Roger et vous ne pourrez pas vous permettre de vous passer de 70 % de prospects potentiels. Autant que vous le sachiez, les premières fois, les séances seront frustrantes pour vous. Vous aurez l’impression de ne pas avancer aussi vite que vous l’aviez planifié, vous les trouverez « nuls » quand ils seront fatigués après 3 squats, vous serez parfois découragé de voir que les résultats tant attendus mettent des plombes à arriver… Mais ces clients sont prêts à vous payer pour les aider. Et avec du temps, de la bienveillance et de l’intelligence, vous arriverez à un double objectif : les résultats de votre client et votre satisfaction. Parce que c’est un sacré challenge de faire perdre 30 kg à Roger avec son genou en vrac.

Alors quelques conseils pour les jeunes fougueux et quelques rappels pour les moins jeunes raisonnés :

1-         Travailler en salle. À mi-temps ou temps plein, quelques années ou toute votre vie, c’est vous qui voyez. Mais allez prendre ce bain de foule qui vous apportera l’expérience grâce à la diversité des profils que vous rencontrerez en cours collectifs comme en plateau musculation. Profitez-en pour échanger avec vos collègues, plus ou moins expérimentés et spécialisés. C’est l’échange qui fait grandir. Fatiguez-vous aussi en cours collectifs, expérimentez et pratiquez pour ressentir dans votre corps ce que vous enseignez. Les cours collectifs et l’encadrement en musculation sont de très bonnes bases au Personal Training. Utilisez-les.

2-         Formez-vous. Dès la sortie du diplôme, prenez l’habitude de vous former régulièrement pour ne pas vous endormir au guidon. Offrez-vous au minimum 1 formation par an. Trouvez ce qui vous intéresse, spécialisez-vous. Cela vous donnera les clés pour prospérer et cela ne fera qu’augmenter votre plus-value. Si vous voulez « enseigner » longtemps, ne cessez jamais d’apprendre.

3-         Intéressez-vous à vos clients. C’est le point le plus important. N’anticipez pas leurs besoins. Écoutez-les. Attentivement. Analyser avec eux leurs besoins, leurs envies. Puis, ensuite seulement, mettez en place votre plan d’action.

Soyez patients, indulgents, fermes et bienveillants. Avec eux et avec vous-même.

Bon épanouissement, chers collègues !

Mel&Mary
Coachs sportifs
www.mel-mary-blog.fr

Un article rédigé par :
Mel et Mary

10 ans d’amitié, 2 caractères bien trempés, 2 diplômes de coach sportif en poche, 10 ans de métier, des milliers de personnes encadrées, des heures à geeker, un nombre indéfini de goûters, beaucoup de mojitos et de soirées endiablées, des séances de shopping et des vacances farniente, bref, des heures à refaire le monde pour arriver à cette conclusion : est-ce qu’on se foutrait pas un peu de notre gueule? Surtout sur internet…