… un bon outil pour le sportif, mais pas si simple à maîtriser.
La pratique régulière d’une activité physique ou sportive est essentielle pour garder une bonne santé. Cette pratique pour être efficace doit être bien conduite et son intensité contrôlée.
Le cœur est une pompe dont la puissance est le débit sanguin, produit de la quantité de sang envoyée à chaque contraction (cylindrée) par le nombre de ses contractions ou battements (les tours) par minute. La puissance s’adapte en permanence, en particulier lors de l’exercice, aux besoins énergétiques de l’organisme. La fréquence cardiaque (FC), compte-tours du moteur, permet d’estimer l’intensité de l’exercice. La FC est déterminable, plus précisément avec un cardiofréquencemètre (CFM) que manuellement, en nombre de battements par minute (bpm). L’utilisation optimale de cet outil a priori simple repose sur sa bonne connaissance.
La fréquence cardiaque
L’activité musculaire comme toutes les fonctions biologiques requiert de l’énergie. Le sang riche en oxygène indispensable au bon fonctionnement cellulaire est propulsé par le cœur dans les vaisseaux. La FC est bien corrélée à la consommation d’oxygène (VO2) et au niveau de contrainte cardiaque qu’un exercice impose. Elle permet de quantifier et de doser l’intensité de l’activité physique et sportive, donc de programmer des séances d’entraînement sur un fondement physiologique. Elle peut aussi être utilisée comme témoin de la « sécurité » de l’effort en particulier chez les patients et chez les pratiquants vétérans. Pour remplir ces fonctions, la FC de repos, les FC mesurées à l’effort et en récupération apportent des informations différentes et complémentaires.
La fréquence cardiaque de repos
C’est le ralenti du moteur. Le cœur est un organe étonnant, car isolé de l’organisme et correctement perfusé, il continue à se contracter spontanément à une fréquence appelée FC intrinsèque ! Celle-ci est comprise entre 100 et 120 bpm et est soumise dans l’organisme aux influences permanentes des branches, parasympathique et sympathique, du système nerveux autonome. Le parasympathique (nerf vague) est le frein de la FC. Le sympathique, dont les effets sont renforcés par une hormone l’adrénaline, en est l’accélérateur. Chez l’homme, le frein vagal prédomine avec au repos éveillé une FC comprise entre 65 et 75 bpm. En réalité, la FC de repos varie, spontanément et périodiquement, en permanence battement à battement. C’est la variabilité de la FC (VFC) dont l’analyse mathématique des variations périodiques précise les effets propres du parasympathique et du sympathique. Une VFC, évaluable avec certains CFM, élevée est le témoin en médecine d’une bonne santé générale et pour l’entraînement d’un bon équilibre sans fatigue inappropriée. La VFC est augmentée par l’entraînement.
Est-il préférable d’avoir une FC de repos basse ? Oui, car cela témoigne d’une espérance de vie prolongée. La FC de repos est en partie fixée génétiquement, mais l’entraînement permet de la diminuer. En bref, l’idéal est d’avoir une FC de repos basse et variable.
La FC au repos est un témoin de la qualité du programme d’entraînement. Mais ce n’est pas un indice fiable du niveau de performance. Le vainqueur du marathon olympique n’est pas obligatoirement le coureur qui a la FC la plus basse au repos.
L’observation répétée, à niveau d‘entraînement stable et sans pathologie intercurrente, d’une élévation de la FC de repos est un marqueur précoce de surentraînement. Une baisse inexpliquée a la même valeur, mais son observation est plus rare. Il n’existe cependant pas de méthode consensuelle pour sa mesure. L’idéal serait de moyenner les valeurs relevées sur 3 jours consécutifs, au mieux allongé le matin au réveil ou au même moment de la journée, avec un CFM ou manuellement sur plusieurs échantillons de 15 à 20 secondes.
La fréquence cardiaque à l’effort
La FC augmente avec l’intensité de l’exercice. Entre 50 % et 80-100 % du VO2 max sa relation avec le VO2. Son accélération initiale est due à la levée du frein vagal puis à l’accélérateur sympathique. Certains CFM peuvent détecter la modification de la VFC, témoin de ces adaptations, qui correspond au premier seuil ventilatoire. Il existe aussi en fin d’effort, chez près de 50 % des sportifs une cassure vers le bas de la linéarité qui correspond classiquement au deuxième seuil ventilatoire (ou lactique). Cela peut sous-estimer la dépense énergétique réelle de l’exercice. Dans le doute la relation précise FC/vitesse maximale ou puissance sur le terrain est utile.
Pour une intensité d‘effort constante réalisée dans les mêmes conditions (entraînement, environnement…), la FC d’un sujet est un paramètre fiable. Mais elle ne dépend pas que de son intensité. Sa durée a aussi un rôle important. Vu l’inertie de la FC, l’obtention d’un niveau stable réclame une durée de 4 à 6 minutes (surtout en début de séance). Ce délai peut être raccourci par un échauffement bien conduit et par l’entraînement. Donc la FC ne peut et ne doit pas être utilisée pour quantifier où contrôler la dépense énergétique d’une activité physique, sous maximale ou maximale, non répétée de durée inférieure à 3-4 minutes. La FC est donc mal adaptée pour les efforts anaérobies au moins avec un faible nombre de répétitions. L’état stable de la FC des efforts aérobies prolongés (≥ 10 minutes), ne s’observe en réalité qu’en dessous ou au niveau du premier seuil ventilatoire et pour une durée limitée (40 à 80 minutes selon le niveau d’entraînement). Pour une intensité plus élevée ou une durée plus longue, une dérive de la FC est observée. L’environnement intervient aussi. En altitude la FC est plus élevée. La chaleur, ennemi principal de la performance dans les épreuves de longue distance, a un rôle majeur. Une accélération précoce et anormalement marquée de la FC lors d’un effort prolongé d’intensité constante est un marqueur de déshydratation à corriger au plus tôt.
La fréquence cardiaque maximale
La FC maximale d’un sujet n’est pas une valeur immuable. Elle dépend de facteurs internes et externes. Le facteur interne le plus classique est l’âge du sujet. Plusieurs formules proposent le calcul de la FC maximale à partir de l’âge (220-âge est la plus simple, mais pas la plus juste), ce qui veut dire qu’aucune n’est parfaite. Cette valeur n’a qu’un intérêt de repère. La FC maximale doit être déterminée individuellement pour une bonne conduite de l’entraînement. La FC maximale dépend de l’exercice réalisé. Plus il mobilise de groupes musculaires et plus elle sera élevée. Ainsi, la FC maximale d’un sportif est plus élevée (+ 10 bpm) lors de la course à pied que lors du vélo. De plus, en vélo un sujet non entraîné arrête son effort plus souvent par atteinte de ses limites musculaires que cardiaques. En position allongée la FC augmente moins vite et la FC maximale est plus basse. L’entraînement augmente la performance maximale aérobie, mais pas la FC maximale, il peut au contraire la diminuer un peu. Le type d’entraînement joue un rôle important. Plus il est « qualitatif », séances brèves à haute intensité, plus une valeur élevée de FC maximale sera maintenue. Inversement, un programme très « quantitatif », fait de séances de longue durée à faible intensité, a tendance à « diéséliser » le cœur et à brider la FC maximale. Un sportif très entraîné peut donc présenter plusieurs FC maximales dans sa saison, « désentraînement », « foncier », « affûtage ». Ces variations physiologiques (5-10 bpm) peuvent imposer sa mesure répétée.
La fréquence cardiaque de réserve
C’est la différence entre FC maximale et FC de repos. La baisse de la FC de repos liée à l’entraînement élargit la plage d’utilisation du compte-tours cardiaque. Avec l’entraînement, la cylindrée du moteur augmente aussi, expliquant que pour un niveau d’effort sous maximal fixé, la FC diminue progressivement. La formule de Karvonen, proposée en 1957, exprime l’intensité de l’entraînement en % de la FC de réserve. Ainsi la FC correspondant à une intensité de 70 % de la FC de réserve est égale à FC de repos + 70% de FC de réserve. Un point majeur reste discuté. Faut-il utiliser la FC de repos du matin ou celle mesurée au repos vrai avant le début de la séance (reflet de la fatigue de la journée) d’entraînement ?
Les fréquences cardiaques « seuils »
Le VO2max est un critère majeur, mais non exclusif de performance pour les efforts de longue durée. Il est aussi indispensable de pouvoir maintenir longtemps un haut pourcentage de VO2max, c’est l’endurance. Celle-ci dépend de plusieurs facteurs, dont un entraînement bien conduit qui repose souvent sur la méthode des « seuils » dont l’interprétation physiologique reste très débattue. Leur détermination individuelle précise se fait lors d’un test d’évaluation en laboratoire. Lors d’un effort, la ventilation et la quantité d’acide lactique sanguin augmentent proportionnellement à l’augmentation du VO2. Les courbes de ces deux paramètres montrent deux ruptures de pente, appelée « seuils », vers le haut. Le premier seuil survient entre 50-70 % et le deuxième entre 75 à 85 % du VO2max. Plus leur survenue est tardive, meilleure est l’endurance du sujet. Un entraînement basé sur les FC (± 5 bpm) correspondant à ces seuils améliore le niveau d’endurance.
La récupération de la FC
À l’arrêt de l’effort, la FC ne retrouve pas instantanément sa valeur de repos. Dans la première minute, la FC diminue vite sous l’effet du frein vagal. La baisse est d’autant plus marquée que l’on est bien entraîné. Au-delà, plusieurs dizaines de minutes sont nécessaires pour retrouver sa valeur de repos. Parmi les indices proposés, une baisse après 3 minutes en récupération passive d’au moins 30 % de la FC de fin d’effort témoigne d’une bonne récupération.