Souvent considérée comme un excitant altérant le sommeil ou encore une vitamine anti-cancer, anti-rhume… on lui confère des qualités issues généralement d’idées reçues. Croyances la situant à mi-chemin entre le psychostimulant et la molécule antivieillissement, que faut-il répudier de ces rumeurs ?
Biographie d’une vitamine au goût acide !
La vitamine C, ou acide L-ascorbique pour les intimes, fait partie des micronutriments incluant les vitamines, les sels minéraux et les oligo-éléments. Ces substances n’apportent pas d’énergie (calories), mais sont indispensables à l’organisme qui ne peut pas suffisamment les synthétiser. Celles-ci seront donc apportées par notre alimentation quotidienne.
On distingue deux groupes de vitamines, les hydrosolubles au nombre de 9 (B1, B2, B3, B5, B6, B8, B9, B12 et C), solubles dans l’eau, et 4 autres, les liposolubles (A, D, E, K), solubles dans les graisses.
En 1928, Albert Szent Györgyi, biochimiste hongrois isole une substance du citron, au fort pouvoir antioxydant qu’il nomme l’acide hexuronique. Trois ans plus tard, il s’aperçoit que cet acide n’est ni plus ni moins que de la vitamine C qu’il appellera finalement, acide ascorbique, contraction d’antiscorbutique.
L’histoire de cette molécule est étroitement liée à la maladie du scorbut (carence en vitamine C) connue depuis le papyrus d’Ebers[1] (1 500 ans avant notre ère), où les symptômes de dégénérescence articulaire et gingivale apparaissaient suivis de déchaussement des dents puis d’une atteinte cardiaque en phase terminale qui conduisait à la mort.
Aujourd’hui, le scorbut est peu fréquent, mais encore présent dans certains pays sous-développés, chez des individus à très forte précarité ou alcooliques chroniques (la vitamine C contribuera au métabolisme de l’éthanol consommé).
Rôle physiologique multiple
L’importance de la vitamine C dans le maintien des défenses immunitaires est en général bien connue, en revanche, on oublie souvent son rôle dans la synthèse du collagène ou de la L-carnitine, ainsi que dans les processus de cicatrisation. Elle agit également au sein du mécanisme d’ossification et dans la synthèse de certaines hormones telle que la noradrénaline.
De plus, son destin est lié à la vitamine E, puisqu’elle a un rôle antioxydant et participe à la « régénération » de cette dernière, très utile dans la lutte anti-radicalaire. Oubliez en revanche l’effet « stimulant », car si beaucoup évitent les agrumes le soir pour un meilleur sommeil, ils n’éliminent pas forcément les kiwis, fruits rouges, poivrons ou choux, pourtant plus riches en vitamine C ! En effet, l’acide ascorbique, même à très forte dose, n’empêche pas de dormir[2] ou d’avoir un sommeil de qualité[3].
Besoins
De nombreux organismes ont la capacité de produire de manière endogène la vitamine C. Celle-ci provient de la transformation du glucose au niveau hépatique, grâce à une enzyme, le L-guluno-g-lactone déshydrogénase que l’espèce humaine ne possède pas, nécessitant un apport exogène.
Les besoins sont estimés à 110 mg/jour aussi bien chez la femme que chez l’homme[4], auxquels doivent être ajoutés 100 mg/1 000 kcal pour les sportifs ayant une dépense énergétique supérieure à 1 800 kcal pour les femmes et 2 200 kcal pour les hommes[5]. Autrement dit, une athlète ayant une dépense énergétique calculée à 2 800 kcal ou un athlète dépensant 3 200 kcal par jour aura un besoin de 210 mg/j. Si l’on atteint 3 800 kcal pour une femme ou 4 200 kcal pour un homme, le besoin sera de 310 mg/j, et ainsi de suite. Il faudra toutefois veiller à ne pas dépasser sur le long terme la limite de sécurité évaluée à 600 mg/j selon les anciennes recommandations de l’Anses concernant la population sportive[6]. Cependant, aucune limite de sécurité n’a été définie pour la population normale[7].
Néanmoins, les personnes présentant un stress important, exposées à la pollution ou les fumeurs (consommant plus de dix cigarettes/jour), verront leurs besoins augmenter de 20 %, par rapport au reste de la population, en raison d’un stress oxydant plus marqué.
Signes d’une déficience
La déficience en vitamine C est relativement fréquente chez les sportifs consommant peu de fruits et légumes frais. Elle est beaucoup plus rare chez ceux respectant les recommandations et très rare chez les végétariens/végétaliens. Plusieurs dosages biologiques peuvent être effectués, notamment la concentration intra-leucocytaire et la concentration plasmatique en vitamine C, en fonction des résultats on pourra parler de carence. Étant thermosensible, il faudra veiller à consommer plusieurs portions quotidiennes de fruits et légumes, soit plus de 500 g contenant au moins une portion crue, afin d’optimiser les apports.
Effets d’une surconsommation
Environ 90 % de la vitamine C est absorbée dans l’iléon puis est essentiellement épurée dans les urines. Assimilation et élimination sont dose-dépendante, c’est-à-dire qu’à partir de 100 mg/jour, plus l’apport est important et plus l’assimilation diminue et l’excrétion augmente.
Il faut préciser que lors de consommation en dose supra-maximale (quantité très importante), la vitamine C devient pro oxydante en produisant un radical hydroxyle (HO) qui est une forme d’oxygène très délétère au niveau organique,[8] et d’autant plus si elle est couplée à d’autres CA contenant du fer et du cuivre[9].
D’après certains auteurs, un effet ergolytique (altération de la performance) apparaîtrait à très forte dose[10] (au-delà de 1 g/j[11]). Le risque d’une surconsommation serait aussi la suppression du bruit de fond radicalaire, qui est bénéfique à l’adaptation physiologique, et permet donc l’adaptation à l’entraînement notamment[12].
D’autres études ont aussi démontré une augmentation du risque de cancer du poumon pour le fumeur consommant une trop grande quantité de vitamine C (sous forme de complément alimentaire).
Malgré l’élimination par les urines de l’excès consommé, on retrouve des signes de diarrhées, de maux d’estomac et de calculs rénaux en cas de consommation excessive.
Comment couvrir ses besoins au quotidien ?
La vitamine C ne peut être stockée, ses réserves diminuent assez rapidement en deux ou trois semaines, c’est pourquoi un apport suffisant doit être fait quotidiennement, par le biais des fruits et légumes, consommés crus de préférence ou à cuisson courte/dans peu d’eau (vitamine hydrosoluble). La vitamine C est sensible à l’eau, à la chaleur, à la lumière et à l’air, pour exemple, 24 h à température ambiante entraîne en moyenne une diminution de la teneur de 50 %.
Les apports des sportifs sont souvent insuffisants en vitamine C. Cependant, une partie de la population la consomme en excès, notamment par la prise au long cours de compléments alimentaires surdosés en vitamine C (500 à 1 000 mg par comprimé). Il convient ici de veiller à la couverture des besoins, qui augmentent avec la dépense énergétique et peuvent être influencés par l’environnement (stress, pollution, tabagisme…) sans les dépasser afin de ne pas engendrer les effets néfastes et ergolytiques vus plus haut.
Dans ce but, la consommation quotidienne d’au moins deux portions de fruits ou légumes crus, riches en vitamine C (voir tableau) permettra au sportif de satisfaire les besoins de son organisme ou de s’en approcher fortement.
Aliments courants les plus riches en vitamine C pour 100 g d’aliment cru :
Goyave |
228 mg |
Poivron jaune |
184 mg |
Cassis |
181 mg |
Poivron rouge |
159 mg |
Chou frisé ou chou kale |
145 mg |
Brocoli |
106 mg |
Choux de Bruxelles |
103 mg |
Kiwi |
93 mg |
Poivron vert |
92 mg |
Fruits rouges (framboise, fraise…) – moyenne |
77 mg |
Chou rouge |
58 mg |
Orange |
57 mg |
[1] Papyrus d’Ebers : Georg Moritz Ebers était un égyptologue allemand qui traduit l’un des plus vieux documents médicaux connus possédant les premiers textes relatant du scorbut.
[2] Kerxhalli JS, Vogel W, Broverman DM, Klaiber EL. Effect of ascorbic acid on the human electroencephalogram. J Nutr. 105(10) : 1356-8, 1975.
[3] Vollbracht C, Schneider B, Leendert V, Weiss G, Auerbach L, Beuth J. Intravenous vitamin C administration improves quality of life in breast cancer patients during chemo/radiotherapy and aftercare : results of a retrospective, multicentre, epidemiological cohort study in Germany. In Vivo. 25(6) :983-90, 2011.
[4] Repères Nutritionnels pour la Population, Anses, 2016.
[5] Apports Nutritionnels Conseillés pour le sportif, AFSSA, 2001.
[6] De nouvelles recommandations pour cette population devraient voir le jour durant l’année 2019.
[7] EFSA, 2013b.
[8] Verrax et al.
[9] Valko et al., Role of oxygen radicals in DNA damage and cacer incidence. Mol Cell Biochem. 266(1-2) :37-56, 2004.
[10][10] Braakhuis, Effect of Vitamin C supplements on physical performance. Curr Sports Med Rep.11(4) : 180-4, 2012.
[11] Gomez-Cabrera et al., Oral administration of vitamin C decreases muscle mitochondrial biogenesis and hampers training-induced adaptations in endurance performance. American Journal of Clinical Nutrition. 87(1) : 142-149, 2008.
[12] Nikolaidis et al., Does vitamin C and E supplementation impair the favorable adaptations of regular exercise ? Oxid Med Cell Longev. 2012 : 707941, 2012.