Aux origines millénaires et aujourd’hui de plus en plus sur le devant de la scène, ces comportements alimentaires font débat et questionnent à la fois sur leurs potentiels risques et bienfaits. Coup de projecteur sur ces pratiques très en vogue !
Origine : C’est une très très vieille histoire…
Penchons-nous tout d’abord sur notre arbre phylogénique (quelle espèce est plus proche d’une autre espèce ?) comparativement à l’arbre généalogique (qui descend de qui ?). Les paléontologues et anthropologues ont beaucoup de raisons de penser que l’ancêtre commun des grands singes africains et des hominidés bipèdes se situerait aux alentours de 8 à 9 millions d’années, moment où la dissemblance s’est opérée. Dans la recherche de l’origine de l’homme, il nous semble important de citer qu’à l’automne 2000, d’éminents chercheurs découvrent au Kenya, Orrorin tugenensis, spécimen vieux d’environ 6 millions d’années et membre de la lignée humaine. Celui-ci présentait une microdontie (petites molaires) destinée à un régime frugivore ou omnivore et non plus végétarien aux molaires plus grandes (mégadontie). L’ère du végétarisme exclusif s’éteint et pour de multiples raisons (anatomique, évolution cognitive, maîtrise du feu…) que nous ne développerons pas, l’être humain aboutira à une diversification alimentaire.
Cependant le régime végétarien marque toutes les époques, les premiers instigateurs proviennent d’Inde aux alentours du VIII ème siècle et ces mouvements se déclineront progressivement dans le monde entier.
Raisons :
De nos jours, force est de constater que bon nombre de régimes se pratiquent dans un tout autre but que celui nutritionnel. Le cas du végétarisme recense une multitude d’arguments, les plus cités sont la religion (hindouisme…), les idéologies (cause animale, écologique…) et la santé (croyances, réalité…). Détaillons sommairement quelques points.
En ce qui concerne la cause animale on relève une pléthore de documentaires sur les conditions de vie effroyables des animaux, de l’élevage jusqu’aux abattoirs, ce qui est inacceptable mais, heureusement, tous ne sont pas traités de la sorte. La majorité de nos éleveurs respectent les bonnes pratiques d’hygiène et de bien-être des animaux, une transparence ainsi qu’une traçabilité témoignent de ces mises en œuvre. Eh oui on peut encore voir des vaches et autres bovins ou ovins gambader dans les pâturages !
Sur le plan écologique c’est un problème mondial avec une remise en cause de notre alimentation moderne qui impacte considérablement notre environnement. Depuis un demi-siècle la consommation de protéines animales a explosé et d’après des rapports d’expertises de certains organismes internationaux, l’élevage industriel intensif nuit grandement à la planète (gaz à effet de serre, déforestation, surconsommation d’eau…). C’est parfois la motivation première pour passer le cap et diminuer la présence des produits d’origine animale dans l’assiette.
Sur le plan de la santé, d’innombrables documentaires en ligne ont fait sensation ces derniers temps. Sans pouvoir revenir dessus longuement, il s’avère que la plupart de ces documentaires se basaient sur des arguments en majeure partie fallacieux, et employaient les mêmes ficelles que l’industrie agroalimentaire qu’ils semblent dénoncer. Nous allons tenter de faire la part des choses sur l’aspect santé dans les lignes qui suivent.
Classification :
Il n’existe pas un végétarisme, mais quasiment autant de régimes différents que de pratiquants. Pour y voir un peu plus clair, voici la classification que l’on peut établir concernant les principaux courant adoptés en fonction de leurs degrés de restriction :
Le régime ovo-lacto-végétarien : celui que l’on appelle plus communément le végétarisme, ou « végé » pour les adeptes. Il se définit par une éviction des chairs animales (viande, poisson, coquillages et crustacés), et une consommation d’œufs et de produits laitiers.
Le régime lacto-végétarien : A l’instar du précédent mais en excluant également les œufs.
Le régime ovo-végétarien : Identique au premier en supprimant cette fois-ci les produits laitiers.
Le régime pesco-végétarien : Unique éviction, la viande.
Le régime flexitarien : Réduction ponctuelle ou régulière des chairs animales, chaque pratiquant place le curseur là où il le souhaite selon ses convictions/motivations
Le régime végétalien : Eviction complète des chairs animales et de tout ce qui provient de leur exploitation (œufs, produits laitiers, miel, …).
Le régime végane : il reprend le végétalisme avec éviction de tout ce qui provient de l’exploitation animale (laine, cuir, cosmétique/médicaments/compléments alimentaires testés sur les animaux, …)
Prévalence :
D’après l’étude Individuelle Nationale des Consommations Alimentaires de 2014-2015 (INCA3), 1,8% des adultes déclarent être végétariens[1].
En 2019, selon Xerfi, 2% de la population française serait végétarienne (1,3 million de personnes), 0,5% de la population française serait végétalienne (environ 340 000 personnes), et 1/3 flexitarienne (BFM Business 2019, Avise-info 2019). En comparaison, l’Inde compte entre 30 et 40% de végétariens.
Bénéfices/risques :
S’il est certain que beaucoup de Français.e.s gagneraient à consommer plus de végétaux au quotidien pour améliorer leur santé, les végétariens sont-ils vraiment en meilleure santé que les omnivores ? Qu’en disent les études scientifiques de qualité ?
L’éviction d’un ou plusieurs groupes alimentaires peut comporter des risques de déficit ou de carences. Ces exclusions exigeront de s’assurer de maintenir des apports suffisants au quotidien, afin de couvrir les besoins de l’organisme. En effet, certaines études ont comparé les statuts en certains nutriments entre les populations omnivores, végétariennes et végétaliennes[2].
Si les omnivores semblent plus à risque de déficits en folates (58% des omnivores, 30% des végétariens, 13% des végétaliens), concernant la B12 c’est l’inverse (1% de déficients chez les omnivores, 6% chez les végétariens, 28% chez les végétaliens). Pour la vitamine B6, les végétaliens sont les moins à risque (24%, contre 29% pour les omnivores et 58% pour les végétariens). Cependant le manque respectif de zinc et d’iode est plus conséquent (47%, contre 19% pour les végétariens et 10% pour les omnivores), même si, pour cette dernière, une grande partie de la population semble en déficit (79% des végétaliens, 66% des végétariens, et 62% des omnivores).
La question fait aussi souvent débat, mais il semblerait que les trois types de populations aient des apports assez similaires concernant l’acide alpha-linolénique (oméga 3)[3]. En revanche, habituellement les végétariens et végétaliens, n’atteignent pas les recommandations en oméga 3 à longue chaîne EPA et DHA, que renferment les poissons gras, ou les œufs de poules élevées aux graines de lin. Afin de pallier au manque de zinc, d’iode et d’oméga 3, renforcer la consommation de graines, noix et sel iodé !
Enfin, pour ce qui est de la vitamine D, les apports alimentaires seront faibles chez les végétariens, et inexistants chez les végétaliens. Cependant, cette dernière a la particularité de ne pas provenir exclusivement de l’alimentation, mais de dépendre aussi de l’exposition au soleil. Comme pour les omnivores, l’analyse des habitudes alimentaires, appuyées par un bilan sanguin permettront d’objectiver un éventuel déficit et d’envisager une complémentation appropriée si besoin est.
Et les maladies ?
Les études épidémiologiques rapportent d’ordinaire que la population végétarienne au « sens large » bénéficie d’un risque plus faible de développer des maladies chroniques non transmissibles (cardiopathies, cancers et obésité) par rapport aux omnivores[4]. Cependant cette alimentation n’est pas seule responsable de ces bienfaits, les végétariens consomment souvent moins d’alcool et de tabac et pratiquent davantage d’activités physiques.
Aujourd’hui certaines organisations internationales comme le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) ont néanmoins classé la viande rouge et la charcuterie comme carcinogène[5]. Augmenter sa consommation de viande rouge, de 120g/semaine accroit, en autre, le risque de mortalité d’environ 15%[6]. Pire, l’association de ces deux aliments en excès impacte également certaines localisations de cancer et l’apparition de diabète de type 2 (DT2)[7].
Inversement, dans l’Adventist Healthy study2 (AHS-2) et la Cardiveg study, le régime végétarien montre une diminution par 2 de l’incidence de DT2[8] et une baisse significative des cardiopathies[9].
Finalement il existe un grand nombre d’études relatant tous ces effets protecteurs, mais elles ne démontrent pas de bénéfice sur la mortalité globale.
Mode d’emploi :
Avec l’augmentation de l’éviction des produits carnés, nous pouvons aussi constater un accroissement des propositions des industries agroalimentaires, dans le but d’offrir des alternatives végétales aux produits carnés. Malheureusement, une grande majorité de ces préparations est ultra-transformée, comportant de nombreux procédés de fabrication/transformation des aliments, ainsi que plusieurs additifs. Qu’ils soient végétaux ou non, les produits ultra-transformés sont à éviter pour maintenir un bon état de santé. Le piège serait de se tourner vers ce genre de substitut pour le végétarien, ou flexitarien novice, alors que l’option incluant des produits bruts, de saison, et locaux si possible sera de loin préférable, pour sa santé, et son portefeuille !
Afin de maintenir des apports globaux satisfaisants en nutriments, il est vivement conseillé aux adeptes de l’alimentation végétale de privilégier la consommation quotidienne de fruits et légumes de saison, de céréales complètes, de légumes secs, et de graines oléagineuses au quotidien. Certaines techniques permettent aussi d’améliorer l’assimilation, notamment du fer ou du zinc, moins bien absorbés lorsqu’ils proviennent d’aliments d’origine végétale. Ainsi, faire tremper les légumes secs et consommer des aliments fermentés ou germés, peut permettre de limiter l’impact de l’acide phytique sur l’absorption de ces éléments. Concernant l’iode, les algues peuvent être une alternative, mais leur teneur peut être très différente d’une variété à une autre, et il existe un risque non négligeable de contamination aux métaux lourds lors d’une consommation importante[10].
Pour ce qui est de la vitamine D et de la vitamine B12, une complémentation sera indispensable pour les végétaliens, et devra être envisagée sérieusement pour les végétariens, en fonction de leurs habitudes alimentaires, de vie, et des résultats biologiques.
Compatibilité avec Performances ? :
Il est facile de trouver des végétariens, voire des végétaliens performant à haut-niveau, mais cela ne démontre pas la supériorité de ce type de régime. Les études scientifiques, à l’heure actuelle, ne révèlent pas d’amélioration des performances pour les adeptes du végétarisme ou du végétalisme[11]. Certains chercheurs pensaient pouvoir justifier de la suprématie de ce type de régime, notamment sur la diminution de l’inflammation et l’amélioration de la récupération, compte tenu de la teneur plus élevée en polyphénols et anti-oxydants[12]. Dans les faits, même si les études ne sont pas encore très nombreuses, cette théorie n’a pas pu être vérifiée, et les régimes végétariens/végétaliens ne semblent pas procurer de bénéfice d’un point de vue performance par rapport à une alimentation omnivore de qualité similaire[13].
Conclusion :
Loin de nous l’idée de supprimer totalement les protéines animales mais il faut revenir à une consommation raisonnable et nécessaire à nos besoins. Cependant pour les adeptes des régimes végétariens les recommandations nutritionnelles peuvent être couvertes par un régime bien conduit et pourquoi pas accompagné par un professionnel de l’alimentation (diététicien-nutritionniste ou médecin-nutritionniste) d’autant plus si ce régime est végétalien.
[1] Avis de l’Anses, Rapport d’expertise collective. Étude individuelle nationale des consommations alimentaires 3 (INCA 3). 2017 Juin.
[2] Schupbach R et al. Micronutrient status and intake in omnivores, vegetarians and vegans in Switzerland, Eur. J. Nutr., 2017.
[3] Burdge GC et al. Long-chain n-3 PUFA in vegetarian women : a metabolic perspective, J. Nutr. Sci., 2017.
[4] O’Sullivan TA, Hafekost K, Mitrou F, Lawrence D. Food sources of saturated fat and the association
with mortality: a meta-analysis. Am J Public Health. 2013 Sep;103(9):e31-42.
[5] Alexander DD, Weed DL, Cushing CA, Lowe KA. Meta-analysis of prospective studies of red meat
consumption and colorectal cancer. Eur J Cancer Prev Off J Eur Cancer Prev Organ ECP. 2011
Jul;20(4):293–307.
[6] Bouvard V, Loomis D, Guyton KZ, Grosse Y, Ghissassi FE, Benbrahim-Tallaa L, et al. Carcinogenicity of consumption of red and processed meat. Lancet Oncol. 2015 Dec;16(16):1599–600.
[7] Boutron-Ruault M-C, Mesrine S, Pierre F. Meat Consumption and Health Outcomes. In: Vegetarian
and Plant-Based Diets in Health and Disease Prevention [Internet]. Elsevier; 2017 [cited 2019 Apr 29].
- 197–214. Available from: https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/B9780128039687000125
[8] Tonstad S, Butler T, Yan R, Fraser GE. Type of vegetarian diet, body weight, and prevalence of type 2 diabetes. Diabetes Care. 2009 May;32(5):791–6.
[9] Sofi F, Dinu M, Pagliai G et al. Low-calorie vegetarian versus Mediterranean diets for reducing body weight and improving cardiovascular risk profile. CARDIVEG study (cardiovascular prevention with vegetarian diet). Circulation 2018 ; 137 : 1103-13.
[10] Avis de l’ANSES relatif « à la teneur maximale en cadmium pour les algues destinées à l’alimentation humaine », Juillet 2020.
[11] Rogerson D. Vegan diets : practical advice for athletes and exercisers. JISSN, 2017
[12] Trapp D, Knez W, Sinclair W. Could a vegetarian diet reduce exercise-induced oxidative stress ? A review of the literature. J Sports Sci. 201 ; 28(12) ;1261-8
[13] Venderley A, Campbell W. Vegetarian diets. Sports Med. 2006 ;36(4) :293-305).