Lorsqu’on parle de fitness au grand public, viennent immédiatement des évocations de grandes salles avec des cours dynamiques et en musique. Parfois, on nous parle de muscles, de poids et de « tablettes de chocolat », chacun évoquant tel ou tel athlète avec une part d’envie et… d’ironie. Les coachs ? Personne n’en parle, jamais. Bref, les stéréotypes ont la vie dure, en témoigne cette récente chronique de France Info tendant à nous démontrer la vacuité de l’activité culturiste, le journaliste ne connaissant manifestement rien à cette discipline. Mais souhaiter que chacun ne s’exprime qu’à propos de sujets dont il connaît la teneur est, sans doute, un vœu bien ambitieux par les temps qui courent…
Ainsi, on continue d’entretenir, dans notre beau pays, une image de notre milieu un peu désuète, assez légère et surtout très éloignée de notre idéal. Que les médias et le public se méprennent est une chose, mais que des professionnels y contribuent est beaucoup plus grave.
Je caractériserai deux types de professionnels : d’une part les promoteurs qui créent les tendances et les modes. Ceux qui sont capables de rendre un type d’entraînement absolument… incontournable ! À grand renfort de promotion, dans un mélange astucieux de glamour, de marketing et d’expertise, ils vont vous convaincre de la pertinence de leur projet. À condition, toutefois, qu’il passe pour innovant et… tendance. D’autre part les coachs, formidables chevilles ouvrières, qui portent ces idées avec beaucoup d’enthousiasme et d’abnégation. Ignorant souvent l’origine de ces techniques, prétendument nouvelles, ils en deviendront les plus ardents promoteurs avec une naïveté qui confine, parfois, à l’incompétence.
Sur le plan pratique, cette construction constituée des créateurs et de leurs relais peut sembler parfaitement équilibrée. Mais qu’en est-il du développement de notre métier ?
Une fois de plus, revenons un instant sur les modèles qu’on nous vend en nous posant quelques questions : ces approches et méthodes sont-elles respectueuses des convictions qui sont les nôtres, en matière de contenu et de pédagogie ? Ont-elles pour vocation de satisfaire les véritables besoins de nos pratiquants ? Sont-elles une réelle plus-value ? Lorsqu’elles véhiculent telle ou telle valeur, ne contribuent-elles pas à développer une forme d’hégémonie culturelle ? Enfin, peut-on soutenir un modèle commercial sans jamais interagir dans son développement ?
C’est la responsabilité du coach de se poser ce type de question. Car comment devenir le diffuseur et le promoteur d’une quelconque discipline sans en partager pleinement les fondements, si ce n’est en devenant un « coach suiveur ». De celles ou ceux qui traitent leur fonction avec une certaine volatilité, ne cessant de prendre le sens du vent des dernières folies d’un milieu qui n’a pas fini d’en créer… Le « coach suiveur » a la consistance d’une chanson d’été. La majorité l’aime et il sera vite le chouchou de la salle, pourtant il n’aura marqué personne. Il sera toujours ce gentil animateur en lieu et place du coach référent qu’il aurait pu devenir.
C’est d’ailleurs très étonnant venant d’un milieu dont la plupart des professionnels ont moins de trente ans. On pourrait imaginer que chacun revendique une identité propre et résiste un peu plus face aux mastodontes du fitness. Mais les coachs aiment les marques, qualifiées pudiquement de « communautés », et dont ils deviennent des porte-étendard tout en manifestant une pseudo-attitude de rebelles. Ainsi, ils se fabriquent des petits mondes qui les porteront un temps, jusqu’à ce qu’une nouvelle « méthode incontournable » apparaisse…
Le « coach leader », lui, vit une tout autre histoire. Il porte un projet bâti sur une culture, un patrimoine. Il assoit ses connaissances sur de solides bases qu’il ne cessera de consolider. Il n’est pas un représentant de commerce, c’est un lanceur d’idées.
Le « coach leader » est à l’abri du fitness de pacotille, car il sait sonder le bien-fondé de telle ou telle pratique. Il analyse les besoins de ses élèves et leur offre des réponses appropriées. À partir de bases connues et reconnues, il programme avec audace en s’inspirant de ses expériences et optimise les entraînements grâce à l’utilisation de nouveaux outils.
Bien sûr, il connaîtra la solitude de ceux qui préfèrent contempler l’agitation du monde plutôt que de s’y confondre, mais sa confiance et sa maturité consolideront sa posture. Malheureusement, dans ce petit « Landerneau » du fitness, la médiocrité est devenue la norme, au point que le « coach leader » doit parfois s’excuser pour son exigence. Il est pourtant discret et n’a pas besoin d’élever la voix pour se faire entendre. Il construit, avec la patience propre aux artisans de qualité, la santé, la beauté et la force des corps.
J’en conviens, ce choix de carrière peut sembler difficile, dans un secteur d’activité qui promeut le plaisir à tout prix. La tentation est grande de suivre le courant des modes, d’autant qu’il nous porte vers des rives bien douces pour notre ego. Mais que voulons-nous devenir ? Des femmes et des hommes dignes du respect qu’on accorde à celles et ceux qui viennent en aide aux autres avec savoir être et savoir-faire ? Dès lors, quel autre choix avons-nous que de (re)devenir ce pour quoi nous sommes faits ?