Coachs et pratiquants : (ré)apprenons à nous connaitre… (1ère partie)

Coachs et pratiquants : (ré)apprenons à nous connaitre… (1ère partie)

Après plusieurs mois de désœuvrement, ça y est, nous avons retrouvé nos pratiquants !

C’est peut-être le bon moment pour remettre en perspective, non seulement notre bagage technique, mais également de déchiffrer les rapports entraîneur/entraîné. Car si chacun se préoccupe justement de la santé des membres d’un club, les coachs comme les dirigeants semblent beaucoup moins nombreux à se pencher sur l’aspect relationnel de leur cohabitation.

Pourtant, au cours de ces rencontres, qui se multiplient quotidiennement, nous allons parfois être le jouet de phénomènes que nous ne contrôlons pas. En effet, les relations interpersonnelles ne sont pas si simples car elles n’échappent ni à nos a priori, ni à nos préjugés. Si nous pouvions y voir un peu plus clair, en devenant conscient de nos conditionnements, nous pourrions retrouver une relation plus authentique et, sans doute, plus libre avec nos interlocuteurs.

Car « mettre des gens dans des cases », simplement sur leur apparence, est une propension qui concerne chacun d’entre nous. Sans chercher à aller plus loin, nous jugerons nos clients comme on juge un livre sur sa couverture. Car, moins il y a de temps pour analyser l’ensemble des informations, plus la première impression s’impose au détriment des autres facteurs.

Mais, attention, tout cela est valable du coach vers l’élève, de l’élève vers le coach mais également de l’élève à l’égard du club. Par exemple, le sens de la visite d’un centre de remise en forme et l’ordre de son agencement sont conditionnés par ce type de biais cognitif. Ainsi, on décide de disposer, parfois, le matériel « cardio » dans la première salle présentée au public, et ceci pour deux raisons principales : d’une part les machines sont très spectaculaires et cela donne l’impression d’une structure qui dispose de gros moyens. D’autre part, le type de client utilisant des engins cardio est plutôt féminin, là où la musculation sera plus fréquemment pratiquée par des hommes disposant de corps musclés susceptibles de « faire peur » à la clientèle potentielle.

Ainsi, c’est l’effet de primauté qui consiste à donner plus d’importance à l’information reçue ou perçue en premier qu’à toute information reçue dans un second temps. Il s’agit d’une opinion que l’on se fait rapidement d’une personne ou d’un objet, un ressenti qui laisse une marque : « L’empreinte laissée par un corps pressé sur une surface ».

L’impression est donc le produit de mécanismes mentaux nous donnant une vision biaisée de la réalité.

Nous ne cessons, ainsi, de catégoriser en fonction de références propres à nos existences. On parle de : catégorisation sociale. C’est-à-dire que nous allons « classer » chaque personne ou chaque chose, auquel nous sommes soumis, en fonction de critère extrêmement schématique qui confèrent aux stéréotypes.  Ainsi, dans les structures, on continue de mettre, les séniors sur les vélos pendant qu’on réserve les activités de force à un public jeune et prioritairement masculin. Tout ceci, à partir d’a priori et non pas de publications scientifiques…

Nous jugeons, également, en fonction des ressemblances des personnes que l’on a déjà rencontrées : « les gros c’est le cardio et les maigres…à la muscu ! ».  Pourtant, ce n’est pas à nous de décider des objectifs des uns et des autres, car si nous proposons des pistes de travail, il ne s’agit pas de tirer nos pratiquants par le bras et encore moins dans des choix si arbitraires.

Plus grave encore, Henri Tajfel, a établi, il a plus de 50 ans, que lorsque l’on constituait deux groupes absolument au hasard, l’appartenance à l’un d’eux suffisait, non seulement, à favoriser son propre groupe mais également à bannir le groupe opposé. Et ceci alors qu’aucune raison objective ne le justifiait. Cela est assez éloquent quant aux processus discriminatoires qui nous habite.

Afin de ne plus être le jouet de nos conditionnements, essayons de décrypter les principaux paramètres qui initient la rencontre avec notre pratiquant :

L’apparence physique

Doit-on rester dans une certaine sobriété pour plaire au plus grand nombre ou bien, au contraire, affirmer une identité forte qui caractérise nos goûts et notre personnalité ?

Cette question peut sembler ambigu, car comment pourrions-nous nous départir de quelque chose qui nous ressemble ? Et pourtant, tous les matins, des professionnelles revêtent une tenue spécifique ou un uniforme qui ne porte aucun signe distinctif. Dans notre métier, nous avons le loisir de nous vêtir, presque comme nous le souhaitons, pourtant, comme nous l’avons vu, ce n’est pas sans conséquence sur la première impression que vous donnerez à vos interlocuteurs.

Mais, parfois, les repères changent et l’expression d’une marginalité d’hier peut devenir la norme d’aujourd’hui. C’est le cas des tatouages, par exemple, mais également de certaines tenues d’entraînement.

L’apparence même de votre morphologie aura, sans nul doute, une incidence dans la relation. Le prof de fitness véhicule une forme d’exemplarité puisqu’il ne peut se dissocier des conséquences de ses entraînements sur son propre corps. Et que l’on soit mince, musclé ou un peu…grassouillet, le message perçu ne sera pas le même. Parfois, c’est la virtuosité de certaines de vos postures ou votre éventuel déconditionnement qui pourrait vous jouer des tours. Car si un prof doit être une source d’inspiration pour ses élèves, ses capacités peuvent également sembler insuffisantes ou…totalement inaccessibles.

Mettre son corps en valeur est un facteur d’équilibre mais le faire de façon trop ostentatoire ne nous éloigne-t-il pas de potentiels clients qui portent le leur comme un fardeau ?

La communication non verbale

La communication non verbale c’est ce qui n’est pas transmis par la voix !

Les principaux éléments de communication non verbale sont :

  • La posture les mouvements du corps et gestuelle (mains, bras, tête, etc …)
  • Les mouvements du visage (haussement de sourcils, grimace…)
  • Les mouvements du regard
  • Les changements inconscients (transpiration, rougeur)

Parfois un haussement des sourcils ou des épaules nous en dit beaucoup plus qu’un mot sur l’état d’esprit de celui qui nous fait face. Ceci est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de transformation corporelle. Si un pratiquant nous demande, par exemple, de perdre rapidement du poids, nous allons sourire tant sa quête est excessive. Il risque alors de considérer que nous ne prenons pas au sérieux sa demande. Peut-être faudrait-il mieux l’écouter, reformuler sa demande et le sensibiliser à la patience qu’un tel projet impose.

La familiarité  

C’est « un haut degré de simplicité, d’intimité, dans les relations sociales ou dans les rapports particuliers qui unissent des personnes non apparentées ».

Des relations de cette nature ont-elles bien leur place dans une structure ? Sans doute, si elles se sont construites sur plusieurs années avec des pratiquants qui sont « pratiquement » devenus des amis. N’oublions, cependant, jamais que le rapport coach-client qui nous unit est, entre autres, soumis à une prestation et un mode de rémunération. Néanmoins la fréquence des entraînements ainsi que le caractère « holistique » de notre activité confèrent à ces relations un caractère tout à fait particulier. Cependant, cette « intimité » partagée se produit dans un cadre professionnel qui suppose de la discrétion, de l’empathie et du respect. À cet égard, le choix systématique du tutoiement et du prénom, est un mode relationnel qui peut poser la question du statut du pratiquant mais également du coach, et donc du sérieux des attentes de l’un comme des compétences de l’autre.

 

Le comportement 

C’est « l’ensemble des réactions observables chez un individu placé dans son milieu de vie et dans des circonstances données ».

La « bien séance » est une donnée transversale à la fois en matière de familiarité que de comportement. Nous ne devons jamais déroger aux règles élémentaires de savoir vivre et de savoir être. Le « bonjour, le « bienvenu », le « bonne séance », le « merci » sont acquis et diffusés par le coach à l’infini au cours de toute sa carrière. Si non…ils peuvent s’apprendre !

La disponibilité est avec l’expertise une des premières conditions requises dans le métier de coach sportif. Les nouveaux clients sont souvent désemparés lorsqu’ils intègrent une salle de fitness. Ils ne disposent d’aucuns repères et cela est très difficile à vivre pour certains d’entre eux. C’est même parfois un facteur d’abandon. La disponibilité et bien entendu l’empathie de celui ou celle qui incarne à leurs yeux la connaissance, sont tout à fait fondamentales pour que les pratiquants puissent s’exprimer pleinement.

Afin de faciliter la mise en relation avec vos pratiquants, et éviter l’écueil de la première impression, je vous invite à considérer ces 3 principes :

  • Nos clients ont une histoire. Même s’ils n’ont pas de compétence dans le domaine de la remise en forme, ils ont parfois fait preuve d’un immense courage face à des situations très éprouvantes. Conservons de l’humilité face à ces personnes que nous connaissons peu. Les héros de la vie quotidienne ont souvent l’apparence de la normalité….
  • Au regard de l’immensité de la biologie humaine, dont nous disposons tous, tout ce que nous produirons de travail, de créativité, d’effort et de muscles…demeurera, de toute façon, très modeste.
  • Nos clients sont merveilleux et décident de s’entraîner, mais ils ne sont pas merveilleux parce qu’ils décident de s’entrainer.

 

Un article rédigé par :
Raoul Cassard

Professeur de culture physique depuis 1987, préparateur physique, et master en sophrologie. Auteur du livre : "Pour un retour de l’éthique dans le monde du fitness". Créateur de "4-4 La méthode".