Comme nous l’avons vu, la relation entraineur/entrainé dépend de nombreux facteurs que nous ne contrôlons pas forcément. Cependant, certaines attitudes, nous permettraient de faciliter cette rencontre. Je vous propose donc de nous inspirer des travaux de Carl Rogers, un psychologue américain (1902-1987), qui a développé de nombreuses idées afin d’améliorer la qualité du lien entre un thérapeute et son patient. Mais ces principes sont si universels que nous pourrions aisément les extrapoler à notre profession.
En voici quelques-uns qui nous permettraient d’établir une relation de qualité :
- Le regard positif inconditionnel
Cela signifie que nous n’apprécierons pas notre pratiquant en fonction de ses choix ou de son apparence mais plutôt tel qu’il est. C’est une attitude compliquée puisque nous sommes assez naturellement attirés par les gens qui nous ressemblent. Pourtant, un coach n’est pas là pour trouver des amis, mais pour faciliter l’intégration de tous.
L’accueil, par exemple, est une phase fondamentale et je ne reviendrai pas sur les éléments de communication non-verbale que nous avons évoqué dans la première partie. Cependant il n’est jamais inutile de (re)préciser combien la gentillesse, le sourire et la bienveillance dont vous ferez preuve, vous seront rendus au centuple. Car si pour vous, l’univers d’une salle de fitness ou celui d’une séance vous est extrêmement familier, vous faites face à un interlocuteur qui, la plupart du temps, arrive avec ses complexes, ses craintes et surtout sa méconnaissance de la remise en forme.
Je reprendrai à mon compte le principe que j’ai entendu de la bouche d’Éric-Emmanuel Schmitt, un auteur bien connu, qui consiste à donner 10 sur 10, à chacun de nos interlocuteurs avant même qu’ils aient ouvert la bouche. Et puis, précise-t-il : « si on est déçu, ou bien que certaines de ces personnes se comportent mal, nous procéderons par retrait ». C’est une stratégie intéressante car elle permet d’établir une relation cordiale dès les premiers instants et, parfois, de « dérider » les moins avenants de nos clients.
S’intéresser véritablement à l’autre pourrait, d’ailleurs, commencer par ne pas transférer sur lui nos valeurs ou nos propres zones d’inconfort, car si je suis moi et bien…il est lui ! Par exemple, il y a des gens en surpoids qui le vivent assez correctement, et dont le rapport au corps est bon. Dès lors, pourquoi vouloir sensibiliser absolument quelqu’un sur une sèche ou des abdos apparents, alors qu’il est satisfait de son petit ventre ?
Les tests d’évaluation, par exemple, ont pour but d’harmoniser objectivement les qualités physiques du pratiquant et non pas d’en faire un clone. Et si notre athlète émet des réserves sur telle ou telle pratique, respectons-le ! Nous pouvons, bien entendu, sensibiliser une pratiquante à la musculation, même si elle trouve cela trop « virile », cependant nous ne sommes pas « elle » et nous devons donc accepter ses choix.
- L’empathie
« L’empathie est la faculté de comprendre le monde intérieur de l’autre ».
C’est une attitude extrêmement rare. D’ailleurs, vous remarquerez que, la plupart du temps, nous interprétons le vécu de notre interlocuteur à l’aune de nos propres expériences. Ici, il s’agira d’écouter vraiment ses sentiments ou ses espoirs et de les ressentir avec justesse.
Mais attention, ne prenez pas ce que vous entendez pour argent comptant. En effet, une souffrance, un rapport difficile à l’apprentissage ou encore des complexes physiques ne se verbalisent pas dès la première rencontre. On ne peut d’ailleurs pas attendre de telles confidences dans une prise de contact si superficielle, pourtant ce moment de tête à tête peut, révéler un état général. S’il n’est pas possible d’en déterminer précisément la teneur, et nous nous garderons bien de toute interprétation, essayons de faire preuve de prudence et de bienveillance lorsque nous détectons un doute ou une fragilité. Mettons nos pratiquants à l’aise en précisant combien le fitness leur apportera de plaisir, tout en « dégonflant » l’enjeu des séances à venir, qui doivent, avant tout, rester une source de joie et de satisfaction.
N’oublions pas d’être l’écho des attentes de nos pratiquants. Celle ou celui qui nous fait face doit avoir le sentiment d’être compris. Au propos : « Vous me dites que vous n’aimez pas l’endurance, mais c’est sans doute parce que vous n’en avez jamais fait correctement », nous préfèrerons : « Vous me dites donc que vous n’aimez pas l’endurance, c’est bien ça ? ». Dans le cadre d’une rencontre, la reformulation est, non seulement, une preuve de la justesse de notre écoute que nous livrons à notre interlocuteur, mais également le meilleur moyen pour nous assurez que nous avons bien compris le sens de ses propos.
Le pratiquant se sentira respecter et vous accordera une confiance indispensable dans le cadre de son suivi.
- La non-directivité
C’est une notion qui me tient beaucoup à cœur. Elle signifie que le pratiquant a déjà les solutions en lui et que, finalement, nous n’en sommes que les révélateurs. Bien entendu, on ne parle pas de l’apprentissage du squat ou du step qui nécessite des cours et des routines d’entraînement très spécifiques. Nous parlons plutôt de capacités telles que la constance, l’abnégation et la volonté, ou bien encore de la valeur que le pratiquant porte à l’état de son propre corps. Tout ceci est déjà présent chez notre interlocuteur, mais certains éléments de vie ont pu l’en éloigner. Le coach est un guide qui peut lui permettre de retrouver cette dynamique, un peu à l’image d’un objet qui émerge du fond de l’eau pour rejoindre la surface.
« L’individu possède en lui-même des ressources considérables pour se comprendre, se percevoir différemment, changer ses attitudes fondamentales et son comportement vis-à-vis de lui-même. Mais seul un climat bien définissable, fait d’attitudes psychologiques facilitatrices, peut lui permettre d’accéder à ses ressources. » Carl Rogers 1979
- Enfin, l’authenticité ou la congruence.
Cela signifie, simplement, qu’on obtient ce que l’on sème et que l’authenticité de l’autre ne se révèle qu’au prix de notre propre vérité.
Si je me drape dans le costume du « sachant » avec une prétention ou une ironie qui donne l’impression à notre client qu’il est stupide. Eh bien, il est fort probable qu’il ne me livre rien de ses aspirations, et qu’il se construise une carapace assez comparable, en matière d’épaisseur, à celle que je revêtirais moi-même dans cette posture prétentieuse.
Si nous voulons établir un rapport d’authenticité, on ne peut plus se cacher derrière une (im)posture. Finalement, nous sommes des personnes avec des compétences mais aussi des carences. Il est donc inutile d’essayer d’en faire trop en pensant se légitimer, mais plutôt aller à la rencontre de l’autre dans notre humanité.
« Il existe un curieux paradoxe, lorsque je m’accepte tel que je suis, alors je peux changer. » Carl Rogers