Chers lecteurs, vous avez probablement pu constater que nous avions observé une petite pause concernant le chapitre sur les compléments alimentaires. La vastitude de ce thème, ô combien séduisant, exposait néanmoins à une certaine monotonie. Pour le confort de tous, nous avions préféré créer un léger intervalle.
Suite à l’article dédié aux protéines, il va de soi d’aller au cœur de ce macro-nutriment et d’en extraire l’infime partie : l’acide aminé.
Les acides aminés sont les « maillons » formant les protéines. Ainsi, une protéine est une succession de plus de cent acides aminés reliés entre eux par des liaisons peptidiques.
Il existe plusieurs centaines d’acides aminés (AA), mais seulement vingt d’entre eux sont protéinogènes (forment les protéines). Ces vingt acides aminés peuvent élaborer un nombre de combinaison quasiment infini, donnant autant de protéines différentes.
On distingue deux groupes d’acides aminés (cf. tableau 1), les essentiels ou indispensables (9 pour les enfants et personnes âgées, 8 pour les adultes), qui ne peuvent pas être synthétisés par l’organisme et doivent donc être obligatoirement apportés par l’alimentation, et les non essentiels (11), qui eux peuvent être synthétisés à partir d’autres composés présents dans l’organisme. Certains AA peuvent devenir essentiels en cas de situation physiologique particulière (prématurés, pathologies).
Il est également possible de les classer en fonction de la structure de leur chaîne latérale ainsi on parlera d’AA soufrés (méthionine et cystéine), aromatiques (histidine, phénylalanine, tryptophane et tyrosine) et ramifiés ou branchés (isoleucine, leucine et valine).
Tableau 1. Liste des 20 acides aminés
Acides aminés essentiels (9) | Acides aminés non essentiels (11) |
Histidine (His)* | Alanine |
Isoleucine (Ile) | Arginine |
Leucine (Leu) | Asparagine |
Lysine (Lys) | Aspartate |
Méthionine (Met) | Cystéine |
Phénylalanine (Phe) | Glutamate |
Thréonine (Thr) | Glutamine |
Tryptophane (Trp) | Glycine |
Valine (Val) | Proline |
Tyrosine | |
Sérine |
* Enfants et personnes âgées.
Lorsqu’une protéine apporte l’ensemble des acides aminés essentiels en quantité et proportion suffisantes alors on parle de protéine de haute valeur biologique (ou de protéine « complète »). Si un ou plusieurs acides aminés sont manquants ou en quantité insuffisante par rapport aux autres, alors nous parlons de protéine de basse valeur biologique (cf. tableau 2) ou de protéine « incomplète ».
Tableau 2. Estimation de la qualité biologique en protéines de divers aliments protéiques
Aliment | Indice protéique |
Œuf | 100 |
Poisson | 70 |
Viande maigre de bœuf | 69 |
Lait de vache | 60 |
Riz complet | 57 |
Riz blanc | 56 |
Fèves de soja | 47 |
Hachis parmentier | 45 |
Farine complète | 44 |
Cacahuètes | 43 |
Haricots secs | 34 |
Pommes de terre | 34 |
Source : W.D. Mc Ardle ; F.I. Katch ; V.L. Katch.
Une grande partie des protéines présentes dans le règne animal est de haute valeur biologique, alors que la majorité des protéines issues du règne végétal est de valeur biologique plus basse (voir plus bas pour l’application pratique).
Besoins en acides aminés essentiels (AAE)
Dans le tableau ci-dessous, vous pouvez trouver le besoin en chaque acide aminé essentiel, ainsi que les apports du quinoa dans chacun de ces acides aminés (ici pas de facteur limitant).
AAE | His | Ile | Leu | Val | Lys | Mét +
Cys |
Phe +
Tyr |
Thr | Trp |
Besoins en mg/g de protéine | 17 | 27 | 59 | 27 | 45 | 23 | 41 | 25 | 6 |
Ex pour le quinoa | 29 | 36 | 59 | 42 | 54 | 36 | 61 | 30 | 12 |
Application pratique
N’importe quel sportif doit donc apporter des protéines à son organisme par son alimentation. Pour cela, il est conseillé de coupler les protéines d’origine animale aux protéines d’origine végétale pour un meilleur équilibre alimentaire global. Bien entendu, les sportifs végétariens ou végans devront porter une attention particulière à leurs sources de protéines végétales, puisque tout (végans) ou partie (végétariens) des protéines d’origine animale sont évités dans ces cas.
Vous avez probablement tous déjà entendu parler de la combinaison céréales/légumineuses afin de fournir l’ensemble des AA indispensables par un apport végétal exclusivement. C’est effectivement une information à utiliser lorsque les protéines d’origine animale sont absentes ou insuffisantes, dans votre alimentation. Ainsi, les céréales (blé, maïs, riz, avoine…) sont déficientes en lysine (acide aminé limitant), mais riches en AA soufrés (méthionine + cystéine), alors que les légumineuses sont pauvres en AA soufrés, mais riches en lysine. Il existe tout de même deux exceptions dans le règne végétal, qui sont le quinoa (voir tableau ci-dessus) et le soja (plus précisément l’isolat de protéine de soja[1]) qui ne possèdent pas d’AA limitant et sont donc de valeur biologique élevée.
Infos ou intox ?
On rencontre actuellement un grand nombre de compléments alimentaires d’acides aminés isolés, et de marques faisant la promotion de l’intérêt de ceux-ci, à coup d’études financées par eux-mêmes la plupart du temps ! Si nous nous penchons sur les études indépendantes et de bonnes qualités, les effets positifs des acides aminés par rapport aux placebos sont intéressants… mais beaucoup moins lorsque ceux-ci sont comparés à un apport en protéines de haute valeur biologique (apportant donc l’ensemble des acides aminés essentiels) !
Concernant les acides aminés branchés (ou BCAA), ils jouent un rôle important dans l’anabolisme, la récupération immédiate après l’effort, ainsi que lors d’activités physiques de très longue durée (ultra-marathon, ultra-trail, Ironman…). Mais là aussi, ceux-ci seront apportés en quantité suffisante si votre collation ou votre repas post-effort contient 20 à 30 g de protéines de haute valeur biologique riches en BCAA[2] (exemple : fromage blanc ou produit laitier maigre) ou en cours d’exercice d’ultra-endurance. S’il vous était impossible de le faire par l’alimentation, alors la complémentation en whey de qualité pourra remplir ce rôle.
Cependant, attention à la prise de BCAA sous forme de compléments lors des sports de longues distances dans le but de retarder la fatigue ; ceux-ci entrent en compétition avec le tryptophane au niveau du système nerveux central entraînant un potentiel risque physiologique (modification de certains signaux d’alerte), par diminution du passage du tryptophane au niveau de la barrière hémato-céphalique, et donc une chute de la concentration cérébrale en sérotonine.
De plus, les études récentes tendraient à démontrer une prévalence plus importante de maladies métaboliques comme le diabète de type 2, en cas de consommation excessive de protéines[3], et notamment de certains acides aminés comme la leucine… À consommer donc avec raison, et en quantité adaptée à vos besoins, la majorité des pratiquants pouvant satisfaire ces besoins par l’alimentation du quotidien.
En conclusion, vous aurez compris qu’il n’y a aucune justification à consommer un ou plusieurs acides aminés, quels qu’ils soient en prise isolée, sous forme de compléments. Une alimentation structurée en 3 repas et éventuellement 1 à 3 collations (selon les besoins), avec des apports réguliers et qualitatifs en protéines, couvrira vos besoins en acides aminés. Néanmoins pour des raisons sanitaires (conservation de l’aliment) ou de timing (fenêtre métabolique post-effort), une complémentation à base de protéines en poudre riche en AAE (environ 40 %) reste possible tant bien même qu’elle respecte les recommandations d’apport quotidien (maximum 1/3 des protéines totales consommées apportées sous forme de complément alimentaire[4]).