Pour donner suite au précédent article sur le lactose, il nous paraît intéressant de nous pencher maintenant sur les produits laitiers. Cette famille d’aliment, fortement consommée en France, est sujette de bien des interrogations depuis quelque temps.
Composition et apports des produits laitiers
Comme nous l’avons vu dans l’article de juin « La psychose du lactose », les produits laitiers font partie d’une des 10 familles d’aliments d’après la classification de l’ANSES. Cette famille regroupe les laits (vache, brebis, chèvre…), les fromages, ainsi que les yaourts, fromages blancs et desserts lactés. Vous pouvez le constater, cette famille ne contient pas tous les produits issus du lait. En effet, le beurre et la crème fraîche, par exemple, n’appartiennent pas aux produits laitiers, puisqu’issus seulement de la partie grasse du lait. Leur composition nutritionnelle est donc très différente de celle des membres de cette famille (beaucoup de lipides, très peu de protéines et de calcium).
À noter que les jus végétaux, provenant notamment du soja, de l’amande, de la noisette ou encore de la châtaigne ou du quinoa, n’ont pas la dénomination réglementaire de « lait », celle-ci étant réservée aux boissons d’origine animale. Il faut donc leur préférer l’appellation de « jus » ou « boisson végétale ».
Intérêts et limites des produits laitiers
Depuis 1998, date à laquelle apparaît pour la première fois l’étude Individuelle nationale des consommations alimentaires (INCA), l’ANSES, réalise tous les sept ans cette photographie des habitudes nutritionnelles des Français, afin de limiter l’augmentation des maladies chroniques non transmissibles (cancer, diabète, cardiopathie, obésité) et qu’in fine la population vieillisse dans de bonnes conditions.
D’après la dernière étude INCA3 (2014/2015), les produits laitiers sont la première source de calcium des Français. Cette famille alimentaire est effectivement connue pour son apport calcique puisqu’elle représente 38 % des apports totaux en calcium chez l’adulte, 57 % chez l’enfant. Ce calcium est relativement bien assimilable, notamment grâce au rapport Calcium/Phosphore de ces aliments. Les produits laitiers sont aussi une source complémentaire de protéines de bonne qualité (2e source chez les adultes, 15 % de l’apport total en protéines), car pourvoyeurs de l’ensemble des acides aminés essentiels, sans facteur limitant. Enfin, ils contribuent, de façon plus modeste, à la couverture des besoins en vitamines D, vitamines du groupe B, potassium ou magnésium. Le lait et les yaourts participent aussi aux apports hydriques journaliers par leur importante teneur en eau (environ 90 %).
En France, le fromage est consommé par près de 80 % des Français, les yaourts et fromages blancs, le sont eux à hauteur de 68 % et enfin le lait par 43 %[1]. Il semblerait donc que les Français font honneur aux plusieurs centaines de variétés de fromages existantes dans l’Hexagone.
Les produits laitiers contiennent également une quantité non négligeable d’acides gras saturés (AGS), qu’il convient de limiter dans une certaine mesure (maximum 12 % de l’Apport Énergétique Total). Ainsi, un Français gros mangeur de fromage pourra fortement augmenter ces apports en AGS seulement avec ce type d’aliments. Si la consommation moyenne en France est aux alentours de 30 g chez l’adulte, l’habitué, lui, est proche des 40 g mais certains adeptes les dépasseront allègrement, ce qui n’est pas souhaitable. Les fromages sont aussi riches, voire très riches en sel, et devront donc être limités pour les personnes hypertendues ou devant adopter un régime pauvre en sodium. Enfin, afin de favoriser un bon équilibre entre l’apport de protéines d’origine animale et végétale, il convient de respecter au mieux les recommandations de 2 portions de produits laitiers maximum par jour pour les adultes, et 3 pour les enfants.
Comment comptabiliser une portion
Aliment | Taille d’une portion |
Lait | 150 ml |
Fromage | 30 g |
Yaourt | 125 g |
Fromage blanc | 100 g |
Controverse « le lait poison »
Inflammatoire, cancérigène, ne convient pas à l’homme qui est le seul mammifère consommant le lait d’un autre animal… Voici des affirmations que l’on peut entendre régulièrement. Ce lait ne serait-il finalement pas si bon que ça pour la santé ? Qu’en est-il réellement ?
Suite à notre analyse de la bibliographie, on constate que les résultats scientifiques sont discordants. Ce qui ressort de manière certaine c’est que nous avons des besoins en calcium et peu importe la source dès lors où la biodisponibilité est satisfaisante et permet de respecter les recommandations. Néanmoins, l’exclusion totale des produits laitiers nécessite des connaissances solides en matière de besoins (en fonction de l’âge) et de sources afin de ne pas développer de carence.
En ce qui concerne les bénéfices/risques, la communauté scientifique les reconnaît. Des désordres digestifs, cutanés en passant par des manifestations allergiques, liés à l’intolérance ou à l’allergie aux protéines de lait de vache, sans oublier les risques d’augmentation de la prévalence du cancer de la prostate, une consommation non adaptée n’est pas anodine.
À l’opposé les effets protecteurs d’une consommation modérée ne manquent pas, aussi bien sur la survenue du diabète de type 2 [2][3][4], de l’hypertension[5][6], de certaines maladies cardiovasculaires [7][8][9] ou encore du cancer colorectal [10][11][12], sans omettre l’effet anti-inflammatoire de certains de ses composants [13][14].
Au-delà de cette controverse actuelle, il nous paraît essentiel d’aller plus loin dans le raisonnement sur la qualité de ce que nous consommons. Le lait et les produits laitiers n’échappent pas à cette règle, et sont, au même titre que les autres aliments de grande consommation, de plus en plus transformés, traités, et provenant de matières premières de moins en moins bonne qualité (alimentation des animaux, antibiothérapie, manque d’activité physique, exploitation intensive…). Le principal problème vient d’ici. Si vous appréciez les produits laitiers, nous vous conseillons de vous orienter vers du lait, des yaourts ou du fromage produit localement, par des producteurs respectueux de leurs bêtes, et qui seront capables de vous parler de la façon dont elles vivent, ce qu’elles mangent… Vous aurez ainsi des aliments plus qualitatifs, plus nourrissants aussi, et bien plus riches en micronutriments !
Les produits laitiers peuvent tout à fait faire partie de l’alimentation des sportifs, à condition de respecter les recommandations sur les quantités, et de privilégier la qualité !
[1] Étude individuelle nationale des consommations alimentaires 3 (INCA3), juin 2017.
[2] Turner KM, Keogh JB, Clifton PM. Dairy consumption and insulin sensitivity: a systematic review of short- and long-term intervention studies. Nutr Metab Cardiovasc Dis NMCD. janv 2015;25(1):3‐8
[3] Gijsbers L, Ding EL, Malik VS, de Goede J, Geleijnse JM, Soedamah-Muthu SS. Consumption of dairy foods and diabetes incidence: a dose-response meta-analysis of observational studies. Am J Clin Nutr. avr 2016;103(4):1111‐24.
[4] Salas-Salvadó J, Guasch-Ferré M, Díaz-López A, Babio N. Yogurt and Diabetes: Overview of Recent Observational Studies. J Nutr. 14 juin 2017.
[5] Appel LJ, Moore TJ, Obarzanek E, Vollmer WM, Svetkey LP, Sacks FM, et al. A clinical trial of the effects of dietary patterns on blood pressure. DASH Collaborative Research Group. N Engl J Med. 17 avr 1997;336(16):1117‐24.
[6] Talaei M, Pan A, Yuan J-M, Koh W-P. Dairy Food Intake Is Inversely Associated with Risk of Hypertension: The Singapore Chinese Health Study. J Nutr. févr 2017;147(2):235‐41.
[7] Ferrières J, Bongard V, Dallongeville J, Simon C, Bingham A, Amouyel P, et al. Consommation de produits laitiers et facteurs de risque cardiovasculaire dans l’étude Monica. Cah Nutr Diététique. Février 2006;41(1):33‐8.
[8] Lovegrove JA, Givens DI. Dairy food products: good or bad for cardiometabolic disease? Nutr Res Rev. déc 2016;29(2):249‐67.
[9] Hansen CK, Klingenberg L, Larsen LB, Lorenzen JK, Sørensen KV, Astrup A. The effect of UHT-processed dairy milk on cardio-metabolic risk factors. Eur J Clin Nutr. 15 mars 2017.
[10] Sternhagen LG, Allen JC. Growth rates of a human colon adenocarcinoma cell line are regulated by the milk protein alpha-lactalbumin. Adv Exp Med Biol. 2001;501:115‐20.
[11] García-Montoya IA, Cendón TS, Arévalo-Gallegos S, Rascón-Cruz Q. Lactoferrin a multiple bioactive protein: an overview. Biochim Biophys Acta. mars 2012;1820(3):226‐36.
[12] McIntosh GH, Wang YH, Royle PJ. A diet containing chickpeas and wheat offers less protection against colon tumors than a casein and wheat diet in dimethylhydrazine-treated rats. J Nutr. mai 1998;128(5):804‐9.
[13] Schmid A, Petry N, Walther B, Bütikofer U, Luginbühl W, Gille D, et al. Inflammatory and metabolic responses to high-fat meals with and without dairy products in men. Br J Nutr. 28 juin 2015;113(12):1853‐61.
[14] Viladomiu M, Hontecillas R, Bassaganya-Riera J. Modulation of inflammation and immunity by dietary conjugated linoleic acid. Eur J Pharmacol. 15 août 2016;785:87‐95.