Peut-on manger avant une séance ?

Peut-on manger avant une séance ?

Question, maintes et maintes fois posée par les adhérents à leur coach, à laquelle il répond péniblement, nous avons décidé de vous épauler sur ce sujet et d’en séparer le bon grain de l’ivraie, à l’instar du fameux shaker de protéines et BCAA.

Sur ce thème, nous entendons toutes sortes de réponses. Bien évidemment, il n’y a pas de réplique universelle, puisque chaque adhérent, ou presque, aura des habitudes, des préférences et des besoins différents. En revanche, les études scientifiques et l’expertise de terrain nous documentent afin de mieux conseiller les pratiquants. Dans un premier temps, il convient de connaître l’objectif du sportif : performance, exutoire après la journée de travail, perte de masse grasse ou encore gain de masse musculaire ? Pour chacun, les conseils seront distincts !

Nous aborderons ces objectifs, un par un, pour que vous puissiez conseiller au mieux votre clientèle. Mais avant cela, un petit point de physiologie/anatomie s’impose !

Digestion et activité physique

Notre système nerveux est divisé en deux parties, le système nerveux central (cerveau et moelle épinière) et le système nerveux autonome (orthosympathique et parasympathique).

Celui qui nous intéresse est l’autonome, ses deux systèmes aux actions opposées régulent plusieurs mécanismes, mais ils fonctionnent indépendamment de notre volonté. L’orthosympathique, au rôle accélérateur, et son antagoniste, le parasympathique, sont notamment responsables de la digestion, du travail musculaire, et par voie de conséquence, de l’activité cardiaque. Lors d’une prise alimentaire, liquide ou solide, juste avant l’effort, le système nerveux parasympathique ralentira le rythme cardiaque, diminuera la pression artérielle et stimulera les sécrétions digestives. Le but pour l’organisme est de réorienter la distribution sanguine en priorité vers les organes de la digestion, d’induire la sécrétion des enzymes ou sels biliaires permettant celle-ci et d’actionner les mouvements favorisant l’avancée du contenu digestif dans l’estomac puis les intestins (péristaltisme). L’exercice physique, quant à lui, ordonnera le contraire au système orthosympathique. La résultante d’une telle situation est délétère aussi bien sur le plan digestif que musculaire. En effet, le sang ne peut être dirigé en grande quantité à la fois vers les organes de la digestion, les muscles, les poumons et le cœur, indispensables à l’effort physique (1, 2). Dès lors, afin d’écarter ce genre de circonstances, certains délais, que nous nommerons « règles d’or », entre le début de l’activité physique et la fin d’une prise alimentaire, devront être respectés.

3 règles d’or !

• Collation : 1 h/1 h 30
• Petit déjeuner : 1 h 30/2 h
• Déjeuner/dîner : 3 h

Ces règles d’or permettent d’y voir plus clair et de donner des repères. Cependant, les différences de tolérance interindividuelles ainsi que le type de repas ou de collation, accorderont au sportif de légèrement moduler les délais.

Une gourde à proximité !

Attention, cela ne doit pas empêcher le sportif de s’hydrater avant et pendant sa séance ! En effet, nous conseillons de consommer de l’eau, et éventuellement une boisson de l’effort (selon la durée de l’entraînement et les objectifs du sportif). En revanche, inutile, voire contre-productif, d’absorber une boisson protéinée. Le sportif doit donc boire tout au long de l’exercice, par petites gorgées espacées de 10 à 20 minutes, selon l’effort et les conditions.

Quel(s) objectif(s) ?

Le sportif en quête de performance, et donc de progression à l’entraînement, dans le cadre d’une préparation à la compétition, recevra des conseils différents de celui qui cherche simplement à se dépenser ! Le but ici est d’amener le sportif dans les meilleures conditions pour produire une séance de qualité. Si l’entraînement a lieu en fin de matinée ou en fin de journée, il peut être judicieux de placer une collation 1 h à 1 h 30 avant l’effort, afin qu’il soit en pleine possession de ses moyens et qu’il n’ait pas de baisse d’énergie juste avant ou pendant l’exercice. Cette collation devra apporter de l’énergie avec des glucides de bonne qualité, être digeste (pas trop de fibres, de protéines et de lipides) et adaptée en quantité aux besoins du sportif. A contrario, si son entraînement intervient peu de temps après un repas (voir les règles d’or), il ne sera pas nécessaire d’installer une collation avant la séance. En revanche, pour la récupération, il faudra s’assurer d’apports adéquats, lors de la collation post-effort, ô combien importante (nous aborderons ce sujet dans un prochain numéro).

Pour un sujet recherchant seulement à se défouler ou à se faire plaisir avec son cours de sport favori, il n’y a pas d’indications particulières. Les habitudes alimentaires demeurent celles d’une personne lambda, à condition de respecter les règles d’or bien évidemment. Néanmoins, au regard d’une population ne pratiquant pas plus de 3 fois par semaine une activité physique, la collation contribuera, simultanément, à mieux répartir les prises alimentaires sur la journée, à mieux réguler la faim et éviter les grignotages.

Si vous avez affaire à un sportif cherchant la perte de masse grasse, plusieurs options s’offrent à lui. Soit ses séances ont pour but de déséquilibrer la balance énergétique quotidienne (dépenses supérieures aux apports caloriques) alors le protocole est identique au sujet désirant se défouler ; soit ses entraînements sont destinés à le faire progresser et les recommandations épouseront celles du sportif en quête de performance, couplées à une diminution des apports alimentaires journaliers. Un troisième cas de figure, cumulant les deux situations précédentes, est envisageable dès lors où le sportif peut à la fois augmenter sa fréquence d’entraînement et diminuer ses ingesta.

Pour un individu désirant gagner de la masse musculaire, la filière énergétique (en général anaérobie alactique) impliquée dans ce type d’exercice ne nécessite pas de boissons énergétiques particulières hormis de l’eau (en fonction de la durée et des conditions d’effort).

Le shaker de protéines et/ou d’acides aminés branchés (BCAA) consommé, à tort (effets neurophysiologiques vus plus haut), en début d’exercice, n’a pas lieu d’être. Si le sportif a eu un apport satisfaisant en protéines de qualité sur le ou les repas précédents, alors son organisme saura utiliser les acides aminés tirés de la digestion durant les heures qui suivront, et donc, si besoin, durant son effort. Lors d’un prochain numéro consacré à la collation post-entraînement, nous évoquerons à quel moment il est conseillé de boire ce shaker de protéines.

Nous espérons que cet article aura répondu à vos questions et vous permettra de mieux encadrer vos adhérents lors de leurs séances. Nous souhaitons également avoir pu faire le point sur certaines idées reçues, très présentes sur le Net.

Dans un futur numéro, nous traiterons un sujet tout aussi intéressant et pour lequel vous êtes certainement souvent questionné : « Faut-il manger après un effort ? »

  1. Ter Steege R. et al., « Abdominal symptoms during physical exercise and the role of gastrointestinal ischaemia: a study in 12 symptomatic athletes », British Journal of Sports Medicine, 2012.
  2. Kim van Wijck, Kaatje Lenaerts, Joep Grootjans, Karolina A. P. Wijnands, Martijn Poeze, Luc J. C. van Loon, Cornelis H. C. Dejong, Wim A. Buurman. « Physiology and pathophysiology of splanchnic hypoperfusion and intestinal injury during exercise: strategies for evaluation and prevention », American Journal of Physiology – Gastrointestinal and Liver Physiology, 15 July 2012, vol. 303, no. G155-G168.

 

Un article rédigé par :
Michel Martino & Thomas Ladrat

Michel Martino - Diététicien-nutritionniste à Annecy, responsable du groupe d’experts en nutrition du sportif de l’AFDN, DU nutrition du sportif et DU dopage. Thomas Ladrat - Diététicien-nutritionniste à Montpellier, licence STAPS entraînement sportif, DU nutrition du sportif et DU dopage, membre du groupe d’experts en nutrition du sportif de l’AFDN.