Dans les salles de musculation, vous l’avez certainement remarqué, malgré les avancées des méthodes d’entraînement, c’est toujours les mêmes rituels. Tout le monde se rue sur les bancs de développé couché. « Et combien tu fais, toi, en max au développé couché ? » Qu’est-ce que ça peut bien faire ? Mon expérience dans le monde du sport professionnel me le confirme chaque jour : les athlètes les plus performants n’ont jamais les meilleurs résultats au développé couché. Ce sont avant tout des sportifs équilibrés qui possèdent une bonne coordination motrice, un excellent contrôle moteur et un bon niveau de stabilité et de mobilité.
Proposer au pratiquant de musculation ce dont il a besoin
Il faut toujours avoir à l’esprit que le sportif, le plus souvent, fait naturellement « ce qu’il aime » dans la salle de musculation et pas nécessairement ce dont il a besoin pour s’améliorer ou progresser dans son sport. En introduction de cet article, je parle de l’exemple du développé couché comme le mouvement de base qu’une majorité de pratiquants aime réaliser lors d’une séance de musculation orientée sur le haut du corps. À quoi cela sert-il, d’ailleurs, d’être capable de soulever 150 kg en développé couché si on est incapable d’enchaîner 5 tractions ou de réaliser un épaulé correct à 110 % du poids de corps ? Il y a bien un problème au niveau de l’éducation des sportifs, du niveau également de la formation des éducateurs et, par conséquent, dans la planification du travail et la conception des programmes. À nous donc, préparateurs physiques, de proposer dans nos programmes d’entraînements avant tout ce dont il a besoin, selon une programmation réfléchie, pertinente, qui suit une architecture l’amenant à progresser. Le sportif, quel qu’il soit, a besoin de résultats visibles, tangibles pour avancer. Il faut donc le convaincre d’arrêter de faire que ce qu’il aime, mais plutôt le guider vers un objectif précis répondant à un besoin clairement identifié.
Limitez les exercices isolés (monoarticulaire)…
… privilégiez plutôt des patterns de mouvements (polyarticulaire) transférables aux gestes sportifs
Les exercices monoarticulaires et analytiques, très prisés par les bodybuildeurs, ciblent les muscles de manière isolée en s’appuyant sur une décomposition du corps par segments et muscles (triceps, biceps, dorsaux, pectoraux, quadriceps, ischiojambiers, etc.). Cette pratique peut constituer une étape dans la maîtrise de l’entraînement musculaire. Ces séances permettent une rotation des systèmes musculo-articulaires sollicités et facilitent aussi le recrutement maximal des groupes musculaires ciblés. Elles sont parfois nécessaires dans les sports visant un développement qualitatif, notamment des facteurs nerveux plus que structuraux pour limiter le gain de masse musculaire, en particulier dans les sports explosifs ou à catégories de poids. Seulement, ces séances n’ont que peu d’impact sur le transfert dans la pratique sportive y compris sur les composantes de force.
Il est donc plus pertinent et intéressant d’utiliser des patterns de mouvements (schémas moteurs) qui offrent un meilleur transfert. En effet, les « qualités physiques » n’ont de sens qu’au sein de schémas moteurs et ce n’est pas parce qu’un sportif progresse dans l’exécution d’un exercice consistant à soulever une barre ou un haltère lourd, donc logiquement montrant une augmentation de la force, qu’il montrera des qualités de force accrues dans sa tâche spécifique. Les moyens employés doivent être choisis non pas en fonction du matériel à disposition ou de la tradition, mais des adaptations qu’ils créent, et si ces dernières sont immédiatement favorables au geste sportif. Comme le revendique Jérôme Simian, le préparateur athlétique de Kévin Mayer (décathlon) ou Caroline Garcia (tennis) : « Le choix des moyens est guidé avant tout par les besoins de la structure neuromusculaire tout d’abord d’un point de vue général. Certains schémas de mouvement ou chaînes musculaires peuvent connaître des déficiences locales qui doivent être évaluées en terme anatomique, métabolique et de coordination. La connaissance de l’influence de ces schémas dans la pratique spécifique guidera l’intervention. Cette intervention tiendra compte des qualités des forces mises en jeu dans le sport (temps imparti, directions, sens, pic, amplitude, mises en jeu de chaînes et schémas basiques, etc.). »
Respectez certains principes de base
Variez les régimes de contraction
Excentrique, isométrique, concentrique, il faut « choquer » le corps pour le faire progresser. Il est donc utile de jouer sur ces différents régimes de contraction en fonction des qualités musculaires qu’on cherche à développer en priorité et, encore une fois, du sport pratiqué.
Entraînez aussi le bas du corps
Très souvent les pratiquants de musculation accordent trop d’importance au développement du haut du corps et n’insistent pas assez sur le bas. L’entraînement des membres inférieurs dans la grande majorité des sports – surtout ceux avec déplacements (sports collectifs, sports de raquettes…) – doit occuper une place prépondérante.
Équilibrez les rations agonistes/antagonistes
Pousser/tirer, mouvements à dominante hanche ou genou, chaîne postérieure/chaîne antérieure, abdominaux/spinaux-lombaires… Il est important d’équilibrer la force des groupes musculaires autour d’une articulation, non seulement d’éviter de créer des déséquilibres qui seront propices à des blessures, mais également de protéger l’articulation et d’optimiser son fonctionnement mécanique.
Accordez une place importante à la technique
Comme le dit Charles Poliquin : « Le plus important, c’est d’exécuter des mouvements propres et techniquement bien placés. À mes athlètes, je dis que je ne me soucie pas du nombre maximal de répétitions qu’ils peuvent réaliser, mais du nombre de bonnes répétitions qu’ils font. » La technique d’exécution des exercices est donc primordiale parce que si vous faites le choix d’un exercice, c’est aussi parce que vous pensez qu’il pose une difficulté à surmonter qui est celle que le sportif ou l’athlète rencontre dans son spécifique. Sinon comme le souligne Jérôme Simian : « Vous faites les trucs au hasard. Et si vous laissez l’athlète s’échapper de cette difficulté, vous avez peu de chance de voir un transfert sur la performance. »
Développez la capacité à réaliser des mouvements efficients
Selon Daniel Wolpert, neuroscientifique de l’université de Cambridge, le cerveau a évolué, non pour penser ou ressentir, mais pour contrôler les mouvements. Donc la raison d’existence du cerveau est la production de mouvements complexes et adaptatifs. Le cerveau serait une machine qui fait des prédictions en fonction desquelles il organise le mouvement et, selon le retour d’information sur le succès ou l’échec de l’action, l’ajuste pour en produire une autre. On voit que ces processus font appel à la mémoire, aux émotions qui modulent l’apprentissage, à la perception et au retour proprioceptif afférent. Donc, améliorer votre capacité de mouvement irradie tous les aspects de votre vie.
Pour aller plus loin :
Si l’article vous plaît, je vous invite à lire mon livre, Préparation physique : prophylaxie et performance des qualités athlétiques, aux éditions Physiques Performance (2016).