Le stretching constitue un ensemble de méthodes permettant d’améliorer la souplesse. Cependant, ces techniques sont souvent négligées ou inconsidérées. Il est donc bon de rappeler que la souplesse est une qualité physique à part entière.
Souvent délaissé ou bâclé, le travail de la souplesse est pourtant intimement lié à la qualité d’adresse, atout important dans de nombreuses disciplines telles que la gymnastique, le plongeon, ou les arts martiaux. Ses règles d’utilisation dépendent de la discipline sportive et du but, mais l’objectif principal du stretching consiste à conserver l’amplitude des mouvements via le maintien de la souplesse musculo-tendineuse et de la mobilité articulaire. Il contribue à limiter les résistances et les tensions musculo-tendineuses qui s’opposent à une plus grande aisance de l’exécution motrice. Un deuxième avantage vient secondairement, le stretching pourrait en effet améliorer la récupération et participer à la diminution des tensions physiques et mentales chez les athlètes.
Sur un plan pratique, le préparateur physique doit évaluer la souplesse via la réalisation de protocoles de tests spécifiques à chaque groupe musculaire. Ces derniers évaluent de façon longitudinale l’amélioration ou la stagnation de la souplesse du pratiquant.
À titre d’exemple, le test de Schober détermine la souplesse de l’ensemble de la chaîne musculaire postérieure (de la zone occipitale jusqu’au calcanéum). Le pratiquant se place pieds nus sur un support surélevé (comme un step ou un banc), les pieds à plat sur une plate-forme. Il doit ensuite effectuer une flexion du buste en descendant les bras et les doigts tendus vers la zone la plus basse possible en veillant à enrouler la colonne vertébrale. Les jambes doivent rester tendues lors de la descente, sans s’aider d’élan ou de mouvements balistiques. Les mesures (distance doigts/orteils) effectuées au-dessus des pointes des pieds sont négatives, les mesures effectuées en dessous des pointes de pieds sont positives. Il est à noter que ce test s’effectue impérativement sans échauffement pour des raisons de reproductibilité. L’interprétation de la mesure est alors établie à l’aide d’un tableau de référence basé sur l’âge et le sexe du pratiquant.
Ce type de test permet d’évaluer les limites d’amplitudes et de mobilité des différents segments de la chaîne musculaire postérieure : zone thoracique, lombo-sacrée, ischios jambiers, gastrocnémiens, etc. Cependant, il ne s’agit pas de juger les mesures en « bonnes ou mauvaises », celles-ci ont avant tout une valeur de comparaison pour les prochains tests réalisés. Cela peut ainsi constituer une première démarche de sensibilisation pour le coach afin d’orienter le pratiquant sur des exercices plus ciblés.
Les facteurs anatomiques influençant l’amplitude articulaire :
- La forme des articulations
- La capsule articulaire
- Les tendons et les ligaments (la jonction tendon – os)
- Les muscles et les tissus conjonctifs (la jonction muscle – tendon)
Les facteurs pouvant modifier la souplesse :
- L’âge entraîne une diminution du collagène dans les tendons (le tendon est constitué à 70 % de collagène chez le sujet jeune) et de certaines protéines musculaires telles que la Titine ou la Connectine. Au niveau musculaire, on constate également une augmentation des tissus conjonctifs fibreux altérant la souplesse.
- La température agit également sur la souplesse. Par exemple, des raideurs peuvent survenir au niveau des cuisses lors de changements brusques de température ou de pluie, notamment chez des coureurs cyclistes ou coureurs à pied. Par conséquent, les amplitudes de mouvement des athlètes peuvent alors se trouver altérées.
- Le sexe. Chez la femme les œstrogènes favorisent la rétention d’eau, donnant plus de souplesse aux ligaments. Par ailleurs, la forme du bassin peut aussi influencer les amplitudes articulaires facilitant la réalisation de certains mouvements comme les grands écarts.
Les différentes méthodes utilisées en stretching
- L’étirement dynamique
Il peut se définir comme un étirement alternatif progressif afin d’accroître la longueur d’un muscle ou d’un groupe musculaire. Il doit être contrôlé, car si l’étirement est excessif, il peut altérer le système musculo-tendineux.
- L’étirement passif
Il se traduit par l’action du poids du corps, l’aide d’un partenaire ou d’un support : barre, mur, escalier, etc. Cette méthode permet un étirement lent et profond à la recherche d’un gain d’amplitude maximal et en favorisant le relâchement musculaire.
- L’étirement actif
C’est la combinaison d’un allongement musculaire précédé par une contraction statique de son antagoniste, suivie d’un relâchement. L’ensemble pouvant être réalisé de manière dynamique.
- L’étirement activo-passif ou méthode CRE (contraction-relâchement-étirement)
Les techniques PNF (proprioceptive neuromuscular facilitation) ou C-R-A-C (contracter – relâcher avec contraction de l’antagoniste).
Ces techniques seraient significativement plus efficaces que les étirements statiques pour l’augmentation de l’amplitude articulaire (d’après Cuissard et coll. 1988).
Différentes étapes :
- La mise en tension c’est-à-dire étirement passif avec placement de l’articulation en position extrême (contracté).
- La contraction, de type isométrique effectuée par le pratiquant.
- Le relâchement, les insertions musculaires restant sur le même angle que lors de la contraction.
- La phase d’allongement lent et progressif, stretching passif, effectué par le praticien ou le coach.
Principes physiologiques
Les effets physiologiques des étirements sur les muscles et les tendons (ou système musculo-tendineux) peuvent se résumer à deux choses :
- diminution de l’activation des motoneurones (baisse du tonus musculaire, mais aussi de la possibilité d’activer les muscles) ;
- et/ou diminution de la raideur du complexe anatomique musculo-tendineux (plus grande facilité à allonger le muscle et les tendons et donc moins grande résistance passive à l’allongement).
Ceci est clairement démontré par l’analyse des effets des techniques d’étirement. On peut donc en conclure que le principal objectif des étirements est de relâcher et de décontracter les muscles.
Dans ce contexte, les étirements exécutés de manière lente, contrôlée et de durée supérieure à 20 secondes tendent à inhiber le réflexe myotatique inverse dont l’action sert à protéger le système musculo-tendineux des contractions musculaires potentiellement trop intenses. Au contraire, les mouvements balistiques ont tendance à stimuler le réflexe myotatique, le réflexe myotatique inverse, et l’innervation réciproque. Dans ce contexte, le CRAC est une méthode intéressante pour l’amélioration de la souplesse.
Descriptif du processus d’étirement
Lorsqu’on effectue des étirements, on observe d’abord un effet concret, on va plus loin, on gagne en amplitude. On évoque ensuite le relâchement avec sa dimension neuropsychologique, les effets sur l’unité tendon-muscle, sur la raideur et sur la viscoélasticité. L’augmentation de la tolérance à l’étirement est également un argument de plus en plus évoqué alors qu’un allongement du muscle par augmentation du nombre de sarcomères est également discuté.
Le stretching pour limiter l’évolution de certaines pathologies
Au-delà des différentes études réalisées et de la polémique autour du stretching, il est important de rappeler que cette technique ne s’applique pas qu’aux sportifs de haut niveau. En effet, il existe également des pathologies telles que la spondylarthrite (maladie auto-immune) qui peuvent en bénéficier.
La spondylarthrite peut aboutir à de l’ankylose limitant l’amplitude articulaire et la souplesse rachidienne suite à l’ossification des ligaments. Les courbures physiologiques du rachis subissent alors des changements drastiques avec une perte de la lordose lombaire et cervicale ainsi qu’une hypercyphose thoracique. Des étirements réguliers et progressifs dans le cadre du stretching ou du Pilates permettent cependant de limiter la perte d’amplitude. Au-delà de la spondylarthrite, il existe de nombreuses autres pathologies sur lesquelles les effets bénéfiques du stretching pourraient être mesurés.
Interférences entre le développement de la souplesse et les autres qualités physiques
Vision empirique (tout en restant ouvert à la discussion), grâce à la compréhension des mécaniques physiologiques, les coachs peuvent retenir deux règles :
Il n’est pas conseillé de réaliser une séquence de développement de la souplesse via étirements passifs juste avant une séquence de développement de l’explosivité musculaire. En effet, le recrutement musculaire peut être altéré par ce type d’étirement ce qui sera contre-productif pour une activité explosive telle que le sprint. Par conséquent, il ne faudrait pas associer la souplesse avec la mollesse. En effet, un grand nombre d’activités sportives nécessitent de combiner la souplesse et l’explosivité. Par exemple, la souplesse des épaules chez un lanceur de javelot ou la souplesse des ischios et des adducteurs chez les combattants dans les arts martiaux.
De la même manière, un entraînement de force ou de vitesse avec une forte stimulation des fibres contractiles comme lors d’un soulevé de terre « deadlift » à 90 % de la RM1 (impliquant une charge de travail importante sur la chaîne musculaire postérieure « ischios jambiers » lors de la phase excentrique) implique une altération et un allongement des fibres musculaires. Par conséquent, il ne semble pas judicieux de rajouter des étirements sur une zone déjà « stressée » par de tels exercices.
Ces différentes situations nous indiquent que la thématique des étirements peut rapidement devenir complexe et ceux-ci doivent donc être considérés de manière globale dans la construction des séances d’entraînement ainsi que dans la programmation dans la saison.
Quelques conseils pour animer une séance collective
Idéalement, il convient de proposer ces séances dans des lieux « espace » qui sont dédiés à ce type de cours, avec un environnement calme et apaisant.
Dans la séance, on veillera à proposer un schéma de cours impliquant une mobilisation douce et progressive des grands groupes musculaires et des articulations, puis à introduire des étirements spécifiques et ciblés selon les objectifs et le public.
Au niveau sonore, il est préconisé d’utiliser des musiques avec tempo lent et adapté. La voix du coach devra être posée et son timbre mesuré. Les consignes sont claires et précises sans toutefois se perdre avec trop de détails techniques. Il convient aussi d’insister sur la justesse des placements corporels et de proposer des alternatives selon la souplesse des pratiquants ou les difficultés rencontrées.
Il est également préférable de privilégier la respiration abdominale profonde qui amène plus rapidement le pratiquant à un état de détente et de relaxation. On veillera à utiliser l’expiration pour l’étirement proprement dit, ce qui facilite la détente musculaire et l’inspiration profonde pour une meilleure oxygénation dans les phases d’introduction des postures statiques.
Les bienfaits ressentis par le travail de stretching incluent une réduction du stress, grâce à la respiration et au relâchement, favorisant ainsi une forme de bien-être psychique après la séance. Comme pour l’ensemble des qualités physiques, la pratique régulière du stretching permet de maintenir des résultats durables.